samedi 20 août 2011

Cavalier facile GT

Bien qu'un déplacement en Californie écourte ma période estivale en France, j'ai décidé in extremis de partir voir Nice le week-end du 15 août en prenant une extension de deux jours les 16 et 17.

Le trajet au départ de Paris, si on ne se donne pas la peine de sortir des sentiers battus, constitue une expérience brutale de 2200km d'autoroute en voiture assez barbante pour juste un week-end. En choisissant un peu mieux les étapes, le déplacement devient voyage; ici le choix de la Route Napoléon s'impose (Grenoble - Gap - Sisteron - Digne - Castellane - Grasse), d'autant plus que les conditions de circulation sur les axes normaux sont prévues dans le rouge.

La moto

Malgré tout l'agrément que j'ai tiré de la F800ST depuis mai sur presque 5000km, j'ai constaté une limite dure d'utilisation routière à environ 300km par jour. Sans trop de regrets à part le gabarit et le prix, je l'ai troquée contre une R1200RT bleue de 2010.

Les routières ou GT (Grand Tourisme) sont des motos massives, lourdes, très confortables, et généralement chères. Elles sont particulièrement adaptées aux longs trajets routiers. Leur cylindrée moyenne est de 1000 cm³ avec un comportement moteur sain, sage et progressif. L'accent est mis sur le confort des passagers, la durée de vie mécanique, l'agrément de conduite et la fonctionnalité. (wikipedia.fr)

260kg, 107ch, châssis de science-fiction, complètement carénée de l'avant avec une bulle réglable en hauteur, c'est le flat-twin BMW ultra-classique qui sert de vaisseau autoroutier à la plupart des professionnels en moto (la police notamment). Elle incorpore également une suspension ajustable, un régulateur de vitesse, ABS et anti-patinage, un ensemble de valises au niveau du coffre d'une 107, autoradio.

La bulle électrique permet de supprimer l'essentiel de la pression du vent sur le cou et les bras qui rendent l'autoroute fatigante, elle apporte aussi, comme sur les voitures décapotables, une protection rudimentaire mais suffisante contre la pluie au delà de 90km/h: puisqu'elle est située à hauteur des yeux, seule la partie supérieure du casque est vraiment exposée, le reste est humide seulement. Au delà de 40km/h, la stabilité latérale de l'engin est impressionnante, on se croit sur un rail; si l'on ajoute à cela le cruise control, on peut simplement régler l'allure à 137km/h et laisser filer en écoutant la musique sans plus de stress qu'en voiture.

Vendredi 12

16h-19h 300km, Paris-Dijon, autoroute. Circulation modérée, deux ondées légères.

Samedi 13

8h-11h. 300km. Dijon-Grenoble, autoroute. Grand soleil mais la densité de circulation augmente à vue d'oeil, c'est une fuite en avant avec un bouchon géant qui se forme derrière et essaye de me rattrapper. Je triche de 100km avec le parcours authentique de la route Napoléon en poursuivant jusqu'à Veynes, c'est à dire en longeant le Vercors et non la bordure ouest du Parc des Écrins.

Veynes: accident sur la nationale, je remonte 15km de bouchon-à-l'arrêt mais la largeur des bagages rend la manoeuvre un peu délicate, d'ailleurs j'accroche une valise sur un cône en plastique rouge. Large pause déjeuner pour laisser le trafic reprendre normalement.

13h-15h. En fait le trafic est dense sur la route Napoléon, y compris surcharge d'avions légers dans le ciel à hauteur de l'aérodrome de Tallard. Je décide de prendre une variante par la route de Barcelonnette (passant par Selonnet). Beaucoup d'éboulis de Gap à Selonnet, dur d'avancer à plus de 40km/h. Pause Coca.

16h-18h. Selonnet-Digne-Castellane. Une vraie route à virages de motards alternant entre cols et lacets gentils, d'ailleurs il y a plus de motards que de voitures. Sur la route, la répartition des motos se fait ainsi: un tiers de R1200GS, le très grand trail de BMW; un tiers de R1200RT ou variante précédente; le reste, des japonaises et des italiennes avec des modalités de transport de passagers et bagages parfois inquiétantes.

Arrivé à Castellane, évidemment je n'ai planifié aucun point de chute, c'est la pleine période touristique; néanmoins l'office du tourisme me trouve un gîte à 20km à l'est, à Soleilhas. Je me pose sur un troquet de la place principale pour récupérer un peu, et dîner.

20h-21h. La route de Soleilhas longe un bassin du Verdon d'une couleur turquoise irréelle, elle rétrécit ensuite sur une seule voie avec un bitume de bonne qualité mais des lacets vraiment serrés; entre villages isolés, la nuit, il n'y a plus aucun passage donc le plantage ne peut pas exister; cela prendra plus d'une heure pour faire le parcours.

Dimanche 14

9h-11h. Soleilhas-Nice par le Col de Bleine. Route sublime.

Curieusement il y a des stationnements pour deux roues motorisés sur la Promenade des Anglais mais pas de point d'accès sans truander un passage piéton et 50m de piste cyclable. C'est un des avantages de la moto, de pouvoir stationner sans trop gêner un peu n'importe où, en l'occurence, je suis à pleine charge de bagages et je cherche à éviter les embrouilles; je la pose pile devant Castel-Plage à un endroit où il y a tant de passage que le voleur assez gonflé pour fracturer, ici, oui vraiment là, un coffre à bagages, mériterait presque mon respect pour sa téméritude.


Castel-Plage est une section privée au bout de la plage de galets abritant un restaurant demi-luxe. Évidemment, le plan de réservation des transats est complet depuis des semaines, mais le temps est un peu nuageux, alors le serveur finalement me propose à la demi-journée (9h-13h30) un transat+parasol pour la modique somme de 25 euros. Il a un peu de mal à s'organiser parce que le très jeune caniche de la patronne, une pouf en rose, a le droit de monter (pardon, a élu domicile) sur le comptoir, se torche le cul sur le registre des réservations et réclame beaucoup d'attention. Suggestion: grenaille numéro 5.

Je passe à table vers 14h pour prendre un tartare de daurade à la mangue qui sera servi 45 minutes plus tard. Suinte des hauts-parleurs une soupe dans le style lounge; on pense à Dido bien sûr (There will be... no white flag... above my head... and I'll surrender...) qui convient à merveille aux atmosphères moites de littoral alangui; mais là, il s'agit davantage de grands tubes réinterprétés par des pétasses molles à la voix sirupeuse, U2, New Year's Day ou Cure, c'est pas terrible.

Je sacrifie à ce rituel du Castel à chaque passage à Nice; la faune attirée par ce type de prestation est exaspérante mais assez amusante à observer, entre des yachtmen bècebège, des vioques en goguette et surtout la partie friquée (donc vieillissante) du milieu gay niçois dont je crains qu'ils soient vraiment là tous les jours.

L'après-midi, dégustation de vin au domaine du Collet de Bovis dans un petit village à 15km. L'appellation Bellet, minuscule en surface, peu connue, produit des blancs floraux magnifiques avec pas mal de gras, une sorte de Meursault du Sud, et des rouges avec des arômes peu courants de violette, cuir, et cire d'abeille, autour de 15 euros la bouteille.

Il y a beaucoup de circulation et de touristes à Nice; contrairement à Castellane située un peu en altitude, la température et l'humidité ne sont pas supportables pour qui porte un pantalon en cuir et des bottes. Il est impensable de trouver un hébergement en dessous de 100 euros dans un rayon de 20km, je décide de sortir mon joker nuit dans les bois, la météo ce soir semble s'y prêter. Je vais me délasser quelques heures aux Bains-Douches, sauna gay rue Gubernatis pour limiter la suée et adoucir les moeurs en contrepartie et prévision d'une nuit dehors.

Vers 21h, je prends la route vers une zone boisée sans habitations trouvée avec le GPS entre Vence et Coursegoules. Il s'agit du col de Vence, et il y a justement un arrêt possible pour accéder à un point de vue en hauteur sur de la pinède un peu râpée, sans arbres.

Il fait nuit et je pose la moto sur une sorte de petit parking où il y a déjà... deux vieilles Clio. Depuis Internet, les rencontres interlopes entre gays n'ont plus tellement lieu dans les bois; il faut donc pencher pour l'hypothèse d'autres personnes en barbecue ou bivouac sauvage. Je joue un peu avec l'impression que je donne, il faut dire que l'allure de la moto et le casque blanc, font que les gens me prennent assez facilement pour un flic; sur la route, ils ralentissent, se rabattent, c'est rigolo.

Muni d'une lampe de poche, je me rapproche des véhicules; je tombe assez rapidement sur quatre jeunes des villages alentour dans la vingtaine qui se font un petit barbecue nocturne à la fraîche sur la butte --- dans cette région, en cette saison, c'est interdit. Ils sont nettement intimidés d'autant plus que je reste, exprès, longtemps silencieux; puis je leur explique mon plan et ils trouvent ça vraiment cool. Ils m'invitent à prendre des pastagas devant le feu en écoutant La Rue Kétanou (sic), et l'un d'entre eux nous fait une démo nocturne de bolas enflammées. Ils racontent des histoires marrantes d'UFOlogie, il paraît qu'il y a une activité paranormale importante très ciblée sur le col de Vence. Ils ont tous un travail et une discussion à peu près normale, c'est rassurant.



L'un d'entre eux est boulanger à Vence; il a pas mal sillonné la France sans un radis, il me donne un super tuyau pour la toilette du matin, une cascade assez difficile à trouver à l'entrée du village. Nuit agréable au grand air au pied d'une sculpture de bienvenue pour les extra-terrestres.

Lundi 15

Je localise le sentier qui mène au Riou et je le descends sur 5 kilomètres; la route se dégrade pour n'être plus qu'un sentier de graviers avec des caillasses, un peu délicat à passer en première. Ça se termine en pente et en dévers à droite devant une barrière, je décide de faciliter le retour en stationnant la moto dans le sens du départ avec un virage à droite que je prends trop large; je réussis à immobiliser la roue avant en bordure d'un fossé, et je réalise qu'il m'est impossible de manoeuvrer pour sortir, parce qu'il n'y a pas de marche arrière et 290kg c'est trop lourd pour faire des petits coups de rein. En pratique la situation ressemble à ça:



Je commence à démonter valises et topcase et sortir un bout de corde, le passer autour d'un arbre pour essayer de la tirer, quand arrive un couple qui promène son chien, le gars est un ancien motard, en tirant à deux han han il me sort d'affaire.

Le coin de baignade est exceptionnel; c'est une cascade qui fait de grands bassins d'une eau très claire avec truites et têtards (et panneau baignade interdite, évidemment) et un chemin très raide qui permet de passer de l'un à l'autre (pas en tongs).

Déjeuner à Tourettes-sur-Loup. Visite du moulin à huile d'olive d'Opio.

16h30-18h00 Grasse-Castellane par la route Napoléon. Il y a une saleté de virage en épingle à cheveu en forte montée à droite dans Grasse sur lequel je suis obligé de piler et refaire un démarrage au milieu, vraiment je ne vois pas comment on pourrait aborder ceci en sécurité avec un passager. Le reste de la route est magique.



Mardi 16

Matin: hydrospeed dans le Verdon. Tenue aquatique renforcée aux genoux et cuisses, palmes, casque et gros flotteur, le but est de faire le petit Grégory dans un torrent de montagne à l'occasion d'un lâcher d'eau du barrage EDF.

Je tombe à cette occasion sur quelques magnifiques specimens d'ados avec des sculptures de crasse sur la tête, je veux dire, des dreads, portant sarouel (pour homme!?); sorte de punk à chien qui n'a pas encore son chien. Ils ont l'air gentil, bien sûr, puisqu'ils veulent sauver les baleines et les indiens, mais je suggère pour eux tout de même, une rééducation par le travail aux champs (forcé), ou quelques heures de garde-à-vous au petit matin devant un monument aux morts, sous un petit crachin d'automne.

Après-midi: visite de Notre-Dame du Roc, une petite église qui surplombe Castellane.


Mercredi 17

6h30-11h Castellane-Veynes. Départ à l'aube, traversée de bancs de brumes et rayons orange du matin; le plaisir est au carré avec le choix de Delicate Sound Of Thunder, Pink Floyd pour accompagner le voyage sur la motoradio.


«There's no sensation to compare with this
Suspended animation, A state of bliss
Can't keep my mind from the circling skies
Tongue-tied and twisted just an earth-bound misfit, I»


11h-13h Veynes-Lyon par l'autoroute. Déjeuner dans le vieux Lyon à Saint-Jean: gras double sauté à l'ail et au vin blanc. Je suis informé in extremis par mail d'un projet de baignade familiale dans le Jura sur le milieu d'après-midi.

14h-16h. Lyon-Parcey et chemin de terre jusqu'à la confluence de la Loue et du Doubs.

Fin de journée en famille.

Jeudi 18

6h-9h 300km: Dijon-Paris, autoroute. Expérience électrique. Départ de nuit, amoncellement de nuages noirs dans la vallée, je traverse quatre orages énormes dans un ciel lézardé d'éclairs sous la pluie. Il y a peu de trafic routier ce qui rend la chose certes osée mais pas incertaine; cinq minutes critiques où la pluie devient si forte que je ne vois vraiment plus rien, et se forme une flaque gelée entre mes cuisses, car le pantalon en cuir est étanche. Je réduis l'allure à 110 avec les warnings le temps de traverser le déluge. Passé le péage de Fontainebleau vers 8h, je croise, pour la première fois depuis le départ, d'autres motards sur la route.

Budget

Essence 2200km à 5l/100km soit 200 euros
Péages cumulés 60 euros
Logement en gîtes. Soleilhas, 14 euros, Castellane, 17 euros x2, total 48 euros
Restaurants 120 euros

TCO BMW R1200RT: 0.75 euros/km


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jeudi 30 juin 2011

Le Pur et l'Impur

Incroyable époque où je me retrouve à receler, passer à l'OCR et répandre sous le manteau quelques pages d'un homme appelé Nemo, entre 20000 lieues sous les mers et la Matrice... vu la pub que le système va réserver à son bouquin... il ne pourra que bénéficier d'une diffusion alternative. Fi donc ;-)

***

Ce qui frappe en effet dans la police des idées qui a été mise en place depuis quelques années en France, c’est son caractère crypto-religieux. Aux personnes qui énoncent des faits et arguments au sujet de l’immigration, des moeurs familiales et sexuelles, de l’école, de la sécurité, de la politique pénale, des politiques sociales, de la fiscalité, etc, n’allant pas dans le sens de l'orthodoxie régnante, on n’oppose pas d’autres faits ou d’autres arguments, mais une fin de non-recevoir. On ne veut pas discuter avec elles, on veut qu’elles disparaissent purement et simplement de l’espace public. On veut que la société soit purifiée de leur présence.

Ces prohibitions absolues rappellent certains traits caractéristiques des mentalités magico-religieuses. D’abord le curieux vocabulaire employé, inconsciemment emprunté aux fanatismes de jadis. Quand une thèse ou un mot non-conformes se profilent à l’horizon, il est de plus en plus fréquent qu’on se récrie sur les «relents» et l'odeur «nauséabonde» qui émaneraient d’eux (ce langage ridicule est couramment parlé aujourd’hui dans les milieux journalistiques). Or les fanatiques de jadis se plaignaient eux aussi des odeurs de soufre que répandaient les hérétiques et qui était censée émaner de Fantre de Satan. C’est un langage d'exorcistes! On ne peut qu’être frappé, ensuite, par l'imprécision foncière de ce même langage. On dira, par exemple, que les opinions incriminées «rappellent les heures les plus sombres de notre histoire». C’est une allusion, en général, aux événements de la Seconde Guerre mondiale. Mais les personnes qui tiennent ce langage seraient le plus souvent incapables de citer des faits ou des dates au sujet de ces «heures sombres», ou d’articuler le moindre raisonnement précis montrant qu’un lien quelconque existe entre les opinions en question et les crimes des nazis. D’une manière générale, la plupart des journalistes français d’aujourd’hui sont devenus aussi incapables qu'indésireux de discuter des problèmes sur le fond en gens instruits et raisonnables. Confrontés à une opinion hétérodoxe, ils ne savent, décidément, que dire des mots et faire des gestes d'exorcisme, comme les bigots de jadis qui, à tout propos sentant le fagot, s'éloignaient précipitamment en se signant à grands gestes.

On dira que le rejet de l'immoralité est jusqu’à un certain point intuitif ou instinctif, et qu’on n’a pas toujours à raisonner par a + b quand il s’agit de prohiber des comportements honteux. Sans doute, mais précisément la morale, au sens ordinaire du mot, n’a rien à voir dans ces affaires. Dire qu’une immigration massive et ne s’accompagnant pas d'intégration risque de dégrader le tissu social des sociétés européennes et donc de semer le malheur en Europe sans résoudre pour autant les problèmes du tiers-monde est vrai ou faux, mais c’est un propos de nature sociologique et politique qui n’est, de soi, ni moral ni immoral. Vouloir changer l'école pour y former à nouveau les scientifiques et experts dont le pays a besoin est peut-être une vaine espérance, mais ce n’est pas un crime honteux. S'interroger sur le développement psychologique des enfants qui auront été élevés par des couples homosexuels ne relève pas d’une intention perverse. Or, les discours de ce type sont bannis de l'espace public. Ils le sont par l'effet non d’une quelconque argumentation, mais de mouvements violents et irréfléchis.

Ces comportements qui ne sont ni rationnels ni moraux obéissent donc à une autre logique. On peut penser qu’ils relèvent des structures mentales typiques des sociétés pré-scientifiques et de ce que les anthropologues appellent les phénomènes de tabou, lesquels consistent à ne pas juger et hiérarchiser les idées selon le critère du vrai et du faux, mais selon celui du pur et de l'impur.

Par exemple, dans les sociétés musulmanes traditionnelles, on structure idées et comportements (et non pas seulement la nourriture) selon ce qui est halal, c'est-à-dire conforme et autorisé, et ce qui est haram, dest-à-dire maudit et interdit. Ce partage constitue une norme rigide sanctionnée par de dures pénalités, alors qu’il n’y a rien en lui de rationnel. Nul ne pourrait dire pourquoi ce qui est autorisé est autorisé, pourquoi ce qui est interdit est interdit; ce qui en décide, c’est l'impénétrable volonté d’Allah telle que rapportée par le Coran et les traditions. Plus généralement, dans les sociétés où règne ce que Lévy-Brühl a appelé les mentalités primitives, ce qui décide du licite et de l’illicite est la volonté des dieux et des ancêtres telle que rapportée par le mythe. Par exemple, on trouve dans la Bible des interdits étranges qui sont manifestement des reliquats de vieux mythes d’origine, comme l’interdiction de faire bouillir les chevreaux dans le lait de leur mère [Ex. 23, 19; 34, 26; Deut. 14,21.], ou de manger dans un animal le nerf de la cuisse [17 Gen. 32, 33.]. Ajoutons que cette irrationalité des structures de tabou s'accompagne de leur non-universalité: étant donné que les normes et les tabous d’une société archaïque dépendent du mythe fondateur qui lui est propre, ils sont à la fois illégitimes, incompréhensibles et inapplicables pour les hommes d’une autre société.

Il se pourrait que la France moderne soit retombée dans des mentalités archaïques et irrationnelles relevant de cette logique. Les mythes de la nouvelle religion régnant en France ont en effet forgé des tabous bien spécifiques, liés à certains événements de notre histoire que cette religion considère comme fondateurs et qu’elle a donc mythifiés [J’ai analysé ce prodessus, pour la période 1789-1945, dans mon ouvrage Les deux Républiques françaises, Paris, Presses universitaires de France, 2008 et 2010.], processus d’où résulte un certain réseau de valeurs transcendantes et d'interdits incompréhensibles par l'étranger.

Par exemple, la franc-maçonnerie est devenue un sujet tabou du simple fait qu’elle a été interdite par Vichy. Élever la moindre critique à son égard, dire que le principe de secret de son organisation et de ses réseaux peut comporter des aspects antidémocratiques, ou même manifester à son endroit une curiosité dépassant le convenu, devient, pour celui qui s'y risque, une sorte de signe d'appartenance satanique qui mérite le bûcher (alors qu’une étude approfondie de la franc-maçonnerie, de ses structures, de ses méthodes, de ses buts, de sa présence dans les partis de droite comme de gauche, les syndicats, la magistrature, la police, l’Éducation nationale, les autres ministères, les grandes entreprises publiques, etc., serait évidemment du plus haut intérêt pour une science politique qui se voudrait véritablement une science).

Autre exemple: pour contrôler l'immigration clandestine, certains parlementaires avaient suggéré, il y a quelques années, d’instituer des tests ADN permettant de vérifier la filiation des candidats au regroupement familial. Or, cette suggestion fut présentée dans les médias français comme ayant des relents «nauséabonds», bien qu’il n’y eût dans cette mesure aucune violence ni aucune injustice à l'égard des étrangers de bonne foi et qu’elle eût été adoptée dans de nombreux pays parfaitement démocratiques d’Europe et d’Amérique du Nord. Mais le simple fait d’utiliser un paramètre biologique semblait rappeler les expériences médicales et les tests raciaux des nazis. Il ne les rappelait que sur un mode symbolique et par amalgame. Il n’y avait aucune analogie réelle, ni dans l'intention présidant à la mesure, ni dans ses modalités, entre le projet de loi français et les pratiques nazies des camps, mais cela suffisait à le classer comme tabou, interdit, détestable et honteux.

De même encore, quand se déclara l'épidémie de SIDA, on diabolisa ceux qui, du Front national à l’Église catholique, disaient que la première mesure à prendre était de limiter les rapports sexuels à des partenaires connus et légitimes. C’était peut-être là une réponse incomplète, ou inadaptée, ou même fausse, mais en quoi était-elle scélérate et méritait-elle les manifestations de haine hystérique dont elle fut l’objet? L'explication la plus probable est qu’elle touchait à un autre tabou, celui de la libération des moeurs et, en particulier, de la sexualité précoce des adolescents, dogmes essentiels de la nouvelle religion qui entend remplacer la famille traditionnelle, jugée fermée et égoïste, par l'unique grande famille sociale en incessante «recomposition» qui peuplera le Temple.

On pourrait multiplier les exemples. Beaucoup de questions sociétales, en France, sont désormais réfractées, déformées, biaisées par ces filtres crypto-religieux. Les Allemands ou les Canadiens peuvent discuter de la question de savoir s’ils ont besoin ou non de travailleurs étrangers, et si oui, à quelles conditions, en quel nombre, avec quelles qualifications. En France, le simple fait de poser la question est «ignoble». Les Suédois, les Hollandais ou les Suisses ont pu discuter de la question de savoir s’ils avaient trop de dépenses publiques et trop de fonctionnaires, répondre par l'affirmative et agir en conséquence. En France, le simple fait de poser la question fait de l'auteur du propos un «anti-républicain» suspect. Les socialistes espagnols et allemands ont pu, pour des raisons de justice et d’efficacité économique, supprimer l'impôt sur la fortune. En France, celui qui suggère une telle mesure passe pour un ennemi des pauvres et un personnage asocial qui ne mérite pas qu’on lui parle.

La régression d’une proportion non négligeable de la «classe parlante» française au stade mental des sociétés pré-civiques se marque par deux autres traits qui en sont inséparables: le rôle croissant de l'imitation moutonnière, et le sacrifice rituel de boucs émissaires.

On a vu se généraliser en France un mode mimétique de diffusion des informations qui est typique des sociétés archaïques telles qu’analysées par René Girard. Je rappelle que, selon cet auteur, les sociétés archaïques ont pour lien social le mythe et les rites qui ne peuvent se mettre en place qu’à la faveur de l’unanimité obtenue par l’imitation ou mimesis. Dans ces sociétés, il n’y a pas de libertés individuelles, pas de pensée critique. Lorsque les croyances collectives sont en jeu, les individus n’ont pas le réflexe de chercher à penser par eux-mêmes et de se forger leur propre opinion en examinant la réalité objectivement, indépendamment du jugement des autres. Leurs idées sont le fruit de l'imitation craintive d’autrui. Chacun tire sa conviction au sujet du réel de la conviction des autres, lesquels doivent leur propre conviction à d’autres, etc., en un phénomène de contagion «horizontale» des croyances qui peut avoir un point de départ contingent, mais qui, une fois lancé le «précipité chimique» de la contagion mimétique, acquiert une solidité de roc, devient la Vérité même, de laquelle aucun individu ne pourra plus songer à s’écarter, alors même qu’elle n’a aucun fondement objectif.

Ce mode de diffusion de la vérité s’est étendu dans les médias français, devenus toujours plus moutonniers au fil des années récentes. Les journalistes, de moins en moins qualifiés et ayant de moins en moins de culture générale, ne savent que répéter ce qu’ils ont lu dans les dépêches de l'AFP, dans les documents que leur remettent les services de presse des ministères, et dans les articles écrits par leurs pairs; ils ne font plus guère d’enquêtes personnelles sérieuses. Parfois, il est vrai, l’un d’entre eux se réveille, découvre par exemple qu’il n’y a pas eu à Timisoara le massacre qu’avaient prétendu les premières dépêches, et dans les jours suivants, après une valse-hésitation, le troupeau de moutons repart lentement dans l'autre sens, mais toujours en troupeau. En fait, ce que les journalistes veulent et dont ils se contentent, c’est que l'information, vraie ou fausse, soit conforme à l'idéologie à laquelle ils adhèrent et au triomphe de laquelle ils doivent leur emploi. Pourvu que l'AFP, Libération ou Le Monde aient donné l'imprimatur et le nihil obstat, ils répercuteront la nouvelle sans autre examen.

Les mêmes comportements se sont répandus aussi dans les milieux universitaires (ceci n’étant pas sans rapport, bien entendu, avec le fait que le niveau intellectuel des universitaires s’est lui
même effondré dans bien des disciplines, étant donné la massification des universités et le recrutement politico-syndical qui y a prévalu sans partage depuis quelque quarante ans). Chaque fois qu’un propos jugé fautif par la nouvelle religion est dit ou écrit par quelqu'un, la rumeur du blasphème enfle. L’auteur est immédiatement condamné, et il l’est de plus en plus sévèrement par des gens qui savent de moins en moins de quoi il s’agit. Au bruit du tam-tam, de tous les coins de la brousse de courageux guerriers accourent et viennent se mêler aux danses sacrificielles, s'apprêtant à transpercer de leurs lances ou à accabler de leurs jets de pierres celui dont on leur dit qu'il est coupable, mais de la supposée faute de qui ils ne savent rien de première main.

Les années récentes nous en ont fourni une foison d'exemples. J’en citerai un qui m’a particulièrement frappé (et peiné en tant qu’ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud). Un professeur d’histoire de l'ENS Lyon (ex-St-Cloud), Sylvain Gouguenheim, publia en mars 2008 un livre intitulé Aristote au Mont Saint-Michel où il étudiait les voies de transmission de la culture antique à la culture européenne médiévale. Il montrait que cette transmission n’a été ni d’abord ni seulement le fait des Arabes, mais a suivi aussi des voies directes, notamment le monastère bénédictin du Mont Saint-Michel, à une époque antérieure à la Reconquista et à la multiplication des contacts entre les mondes européen et musulman. Cette thèse était-elle vraie ou fausse? Admettons, par principe, qu’elle pouvait comporter une part d’erreurs, d'approximations ou d'omissions. Tout ceci devait donc être débattu avec des arguments pro et contra, dans les revues savantes et autres enceintes académiques spécialisées. Au lieu de quoi, le livre fut l'objet d’une campagne de dénonciation et de haine absolument incroyable.

Une pétition fut lancée, visant à faire destituer Sylvain Gouguenheim de son poste de professeur à l'ENS, voire à le faire traîner devant les tribunaux en application des lois dont il a été parlé plus haut (et à faire exclure du CNRS, parla même démarche épuratrice, le philosophe Roger-Pol Droit qui avait eu l'imprudente idée de faire paraître sur le livre, dans le journal Le Monde, un article non hostile). La preuve du caractère totalement irrationnel et anti-scientifique de ce phénomène collectif est que la pétition haineuse fut signée en quelques jours par des centaines de personnes dont il était impossible qu'elles eussent lu le livre, puisqu’elles ne pouvaient même l'avoir eu matériellement en mains dans un délai aussi court. Il est donc indubitable qu’elles signèrent cette pétition par pure mimésis, parce qu’elles avaient reçu des courriers électroniques et des coups de téléphone disant que l’auteur «attaquait les Arabes» (ou quelque chose d’approchant), qu’il était donc «raciste» et méritait évidemment d’être exclu d'une institution publique dont ces fanatiques de gauche se croient aujourd’hui seuls propriétaires. Elles signèrent par contagion de haine à l'égard du diable qu’on leur désignait, et (les deux choses vont ensemble, comme l’a bien montré encore René Girard) par volonté apeurée de rester, quant à elles, bien intégrées au groupe des sacrificateurs, détenteurs du pouvoir universitaire et de ses mannes. Car dans ces phénomènes sacrificiels relevant des mentalités primitives, celui qui n’est pas avec est contre, et celui qui est contre s’expose à être sacrifié derechef sur le même bûcher que la première victime. Je pense d’ailleurs avec tristesse que certains au moins des jeunes doctorants et chargés de cours qui figurent parmi les signataires de cette sordide pétition l’ont signée moins par aveuglement que par décision réfléchie de hurler avec les loups afin de conserver une chance d’obtenir un jour un poste dans la confrérie. On entrevoit la génération de «savants» que cette indifférence à la vérité et cette accoutumance à la servilité nous préparent [Des phénomènes du même type se sont produits aux USA quand y fleurissait le mouvement dit du a Politically correct», et c’est bien pourquoi je disais au début de ce livre que la sourde résistance des corps sociaux à la pensée critique libre touche tout un ensemble de sociétés modernes, et pas seulement la France. Du moins, en Amérique, le pluralisme universitaire a-t-il permis que des contre-poisons se mettent en place. Le même pluralisme n’existe pas dans l'université française.]

L’autre trait est que ces phénomènes de mimésis se produisent toujours aux dépens de boucs émissaires. Ce peuvent être les membres d’un parti politique, ou des journalistes ou des intellectuels isolés (dont certains, fort heureusement, parviennent tant bien que mal à se défendre, comme Alain Finkielkraut ou Éric Zemmour ou le très habile Renaud Camus). Mais ce sont le plus souvent des êtres sans défense, par exemple, dans des coins perdus de banlieue ou de province, ces victimes d’agressions multiples (propriétaires de maisons cambriolées à répétition ou de voitures volées, paysans dont on pille ou détruit le matériel agricole, victimes de dégradations, attaques, injures, coups et blessures, viols) qui, quand elles ont eu le malheur de résister à leurs agresseurs, ou de les désigner sans y mettre les circonlocutions désormais obligatoires, subissent les foudres de la justice et des médias mêlés, sont traitées de «racistes» et de «petits blancs», gardées à vue et humiliées cependant qu’on n’ose pas s’en prendre à leurs agresseurs. On peut dire qu'elles paient pour que puisse s’asseoir à Paris le pouvoir de la nouvelle cléricature, cette gauche bien-pensante qui se campe comme le camp du Bien face à ces hommes et femmes qu’elle présente comme les «salauds» d’aujourd’hui, et qui sont en réalité les victimes de la régression du droit dans notre pays.

La régression intellectuelle de la France, P. Nemo. Original avant OCR, sans doute quelques fautes.

vendredi 20 mai 2011

Cavalier facile

Ce texte n'est pas une fiction.

Je suis parti le lendemain de mon succès au permis A avec ceci

BMW F800ST

faire un grand tour de 3000km dans je-ne-sais-quelle-France en solo pendant deux semaines début mai. C'était prémédité, bien sûr, il m'a fallu tout l'hiver pour apprendre à tenir sur l'engin, sous les cris pédagogiques de Natacha ma monitrice, et lancer l'acquisition de la bête le lendemain de la réussite aux épreuves du plateau.

Esprit: hors saison mais belle météo. 20kg de bagages. 5 jours de linge. Pas de planification. Budget sans limite. Un iPhone qui fait GPS et Internet. Le guide Michelin des 80 ballades à moto et quelques idées pour enchaîner les boucles sans recoupements. Nécessaire de camping sauvage, bite et couteau

Ce qui suit dévoile six tableaux dans un ordre chronologique, sans grand rapport mutuel, ni enchaînement, écrits a posteriori.

D'argent au lion de gueules
1. Sornac


C'est une variante de la boucle dans le Limousin qui me conduit au lac de Vassivières, et une fascination pour la Creuse, vers La Courtine, Égletons. Plus précisément, mon attention se porte sur Sornac pour le symbole: le hasard a fait que le blason de la ville a été repris (détourné? pris en hold-up?) comme emblème par François Desouche.

Comparés aux routes de campagne du Limousin autour de Bénévent, les abords de Sornac sont à la fois plus déserts (on y croise deux voitures par heure) et moins pittoresques (beaucoup d'exploitation forestières).

Une partie du village est ancienne, avec une magnifique église romane aux cloches bien accordées; l'autre faite de pavillons modernes en parpaings, comme partout. Il y a une retenue d'eau artificielle où quatre ados, deux mâles, deux femelles, prennent le soleil; les garçons font des ricochets ce soir-là, comme sans doute, la veille, et le lendemain aussi; pas une voiture, le jour décline. Une boulangerie et un boucher, ce dernier me recommande pour la nuit, l'hôtel Tatet sous réserve qu'il soit ouvert si tôt dans la saison.

C'est une sorte de pension tenue par une vieille dame bien rustique, qui me propose une chambre sans douche à 22 euros et un dîner sans carte dans une salle collective. Remarquer le numéro de téléphone à six chiffres, j'avais dix ans quand le changement a eu lieu.

Je descends pour dîner --- papier peint terrible --- il y a déjà un groupe de six attablé, c'est la phase de sociabilité phatique, il faut savoir rester un peu distant au début, je m'installe seul sur une autre table. Je demande un quart de rouge à la patronne qui m'amène un litre («buvez ce que vous pouvez»), une terrine et une salade de betteraves dans un cul-de-poule.

Évidemment je ne peux faire autre chose que tendre l'oreille à la discussion de l'autre table. La discussion est curieuse, étrangement décousue, simple, voire simpliste comme le font les très vieux; mais ce ne sont pas des vieux. Il s'agit de propos basiques et répétitifs sur le temps qu'il fait, les Saints de Glace, le programme du lendemain, la satisfaction de l'occupation du jour; au bout de quinze minutes c'est suspect et je découvre qu'il s'agit en réalité d'une sortie groupée de trisomiques dans la trentaine. La patronne amène des steaks très durs et très cuits, de telle sorte que la découpe est problématique; et cet incident déclenche une crise de fou rire à laquelle je participe puisque je commence à être un peu rouge. La patronne me met en garde contre les contrôles alcootest sur la route présents à toutes les sorties de Sornac tous les jours et me propose un peu défaite de racheter son hôtel, il vaut 100.000 euros, si c'est pas une misère, la pierre ça vaut plus rien de nos jours, et d'ailleurs Sornac ce n'est plus ce que c'était, il y a dix ans on vivait sans fermer les portes des maisons. Tout le monde va se coucher au même étage; ils ronflent à mort.

L'épisode me laisse songeur, puisque ce que j'observe là, c'est ce que la médecine et un soutien social à 100% arrivent à produire de mieux sur un terrain lourdement défavorable. J'aurais pensé a priori que ce type de population se comportait comme se comportent des enfants, à moitié barbares, glissant pour une broutille sur la pente de la méchanceté et du lynchage; au contraire, ils sont simplets mais profondément gentils, en tous cas ce jour-là. La discussion n'est aucune fois émaillée de «je m'en bats les couilles» ou «nique ta mère sale fils de pute» et je réalise avec horreur que ce tableau est infiniment préférable à celui des macaques de métro qu'il faut subir à Paris. Et pourtant, il y a un groupe qu'on juge suffisamment borderline pour s'en débarrasser en cours de grossesse. Chercher l'erreur.

Le rapport qualité prix est excellent, j'avais oublié le toucher et les bruits incongrus d'un vieux matelas à (très gros) ressorts, et pour la première fois de ma vie je me lave dans un bidet.



«Que l'un d'entre eux soit libéré de force de ses chaînes et soit accompagné vers la sortie, il sera d'abord cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter. Il souffrira de tous les changements. Il résistera et ne parviendra pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, Ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure ?»

2. Némésis à Aurillac

La moto c'est épuisant, pas tellement pour le physique mais surtout pour la concentration en continu que coûte le fait de limiter et planifier au pire, ses propres erreurs, et celles de tous les véhicules autour (ceci, uniquement si on a l'intention de rester en vie, sinon, on peut aussi prendre le cœur léger, tous les virages en aveugle, etc, beaucoup de choses deviennent plus simples).

Ce n'est pas seulement découvrir en soi une réserve finie de vigilance de quatre ou cinq heures par jour qui limite les étapes (hors autoroute) à 180, 200 kilomètres, même quand on n'a que ça à faire. L'élément curieux, c'est que les ennuis ne surviennent pas pendant les segments d'activité soutenue et identique (100km de route à 90km/h) mais aux transitions: les cinq premières minutes du matin; ou la légère euphorie dans une voie de décélération sur une aire d'autoroute (enfin. plus de vent. plus de bruit de moteur. plus la pression sur le cou. sur les bras) pendant laquelle a échappé à mon attention une voiture qui préparait une queue de poisson dans l'angle mort. Finalement ce con m'a gratté sur la pompe, n'a pas compris qu'il était dangereux, m'a même fait un compliment débile sur la moto.

Ce matin-là, je venais de me taper Sornac - Égletons - Aurillac à travers les bois; plus exactement à travers les gorges de la Dordogne, 4-5 degrés à l'ombre, mauvaise route, mes premiers virages en épingle à cheveu, ceci en deux fois deux heures.

Je pose la moto sur un parking à Aurillac, me dégourdis les jambes en recherchant un resto correct. Curieusement je n'ai pas faim et je suis un peu mou. Puis, je reconnais petit à petit les symptômes habituels d'une chute de tension, éblouissement, bouche sèche, mâchoire qui tremble, fourmis dans les doigts. D'ordinaire ce sont les réactions allergiques qui commencent comme ça, et j'ai toujours sous la main quelques comprimés de polaramine mais là, ils sont à 400m dans le topcase et ce ne sera pas possible de marcher si loin. Stress.

Mon problème principal à cet instant c'est de ne pas avoir l'air trop con, je suis en tenue de road warrior en cuir avec mon casque à la main, et il va falloir éviter de se ramasser par terre comme un clodo. J'avise un petit parc avec des bancs sur lequel un malaise peut éventuellement se faire passer pour une sieste en vrac, mais vu qu'on ne sait jamais comment ça peut dégénérer j'appelle le 112. Je supplie les pompiers de débouler sans mettre la sirène, dix minutes plus tard ils m'embarquent dans une civière ultra high-tech.

14h, hôpital d'Aurillac. Le médecin ne croit pas trop à une réaction allergique mais plutôt un malaise vagal (comme sarko!). Il me dit que ce n'est pas méchant, le plus gros risque c'est de se cogner en tombant, en général on revient à soi tout seul et la tension redevient normale en une ou deux heures. Je prends note pour le prochain. Il me recommande vivement de rester dormir à Aurillac ce soir-là et me libère vers 16h.

À 18h je suis assez bien remis, et en parcourant mon guide des chambres d'hôte, je repère un truc sympa à Murat (48km). J'imagine (j'imagine...) la route d'Aurillac à Murat comme une petite route en rase campagne, bled, rond-point, bled, rond-point, bled, le genre qui passe à 45km/h les doigts dans le nez en une heure. En selle.

La N122 qui relie Aurillac à Murat est une nationale à deux voies récemment refaite avec des marquages blanc pétant, un billard; elle passe sans s'interrompre sur le flanc d'un volcan ou quelque chose comme ça, enfin, il y a des grands virages larges et des glissières de déchiquetage toutes neuves aussi; ça sent l'axe routier à deux doigts d'être éligible pour une voie rapide; et d'ailleurs, c'est ainsi que les habitués y roulent: tout le monde à 95km/h, tout le monde double, tout le monde est pressé.

J'essaye de passer quelques virages à 80km/h avec une boule dans le ventre et deux voitures impatientes qui me collent au cul, pas moyen, le moral est absolument en miettes, je sors au milieu de nulle part, une sorte d'aire de repos pour poids lourds.

À cet instant, je comprends que je suis vivant, c'est bien, deux visites aux urgences dans la même journée auraient vraiment fait mauvaise impression; mais je suis aussi fait comme un rat, puisque mon téléphone m'indique qu'il n'y a pas d'autre route et qu'il est hors de question de conduire de nuit.

Il y a une cabane de chiottes tellement vandalisée que rien ne marche, en particulier, pas d'eau. Je repère un petit sentier fléché indiquant la cascade de la Cère, 400m plus bas, un joli cours d'eau et même une bande de sable. Pas trop le choix, heureusement le temps est clair, je décide de camper là sans tente avec mon Sleep'in Bed Decathlon donné pour température confort: 11 degrés, limite confort: 6 degrés. Je ramasse du bois pour faire un feu et je mets de côté dans un tronc d'arbre le minimum pour rentrer en slip --- mon téléphone, une CB, 150 euros, au cas où je me ferais agresser au fond des bois --- pourtant je suis déjà la pire rencontre que l'on puisse faire, mais on ne sait jamais, pourraient passer par là, des gitans, Francis Heaulme, Xavier Dupont de Ligonnès, François Hollande?

Sur le parking, je vais mendier de l'eau à un poids lourd égaré; il est beau, blond, il ne comprend rien à ce que je dis, finalement si, il me donne une bouteille d'eau pétillante polonaise. Il est déjà 19h30, je vais contempler une dernière fois la route qui m'a tenu en échec --- moins de trafic, ça a l'air plus calme, je me trouve un peu petite bite; puis il y a deux voitures et une camionnette qui déboulent sur une longue ligne droite en descente, qui se termine par un virage à droite limité à 50km/h. Une pauvre clio rouge décide de doubler, un peu tard, et les autres vont vite, elle se rabat comme une merde avant le virage et force les deux autres à freiner. Il y avait challenge pour celui qui serait passé dans l'autre sens, à ce moment-là.

J'attends tranquillement le crépuscule en lisant Renaud Camus, La grande déculturation au bord de l'eau, il n'y a pas un moustique. Je m'y reprends à quatre fois pour démarrer le feu, le bois est humide tant et si bien que je sacrifie la notice de la moto pour arriver à mes fins. C'est romantique un feu qui crépite, je suis finalement très fleur bleue et j'imagine aller chercher mon copain du parking pour une coproduction franco-polonaise Brokeback river, etc.

La nuit est fraîche en effet, mais le bruit continu du torrent réduit l'attention démesurée qu'on porte en forêt aux petits bruits suspects des musaraignes et autres bestioles nocturnes, le feu décline et je m'endors. Au matin, 6h30, je me sens collé et pâteux dans mon fut en cuir, normal j'ai dormi dedans et j'ai froid; rallume un peu le feu, et je rejoins le bled le plus proche pour un triple expresso.

Bilan de la péripétie: deux piles R6, cette conne de maglite s'est allumée dans ma poche; maglite c'est beau, mais c'est tout simplement pas fonctionnel.

3. Atteindre le maître 

À Millau je visite un atelier de travail du cuir à la main, c'est toujours amusant de voir que sur certains secteurs de niche, on peut encore vendre du made in France. Rien pour me convaincre hélas. Je leur demande s'ils n'ont pas des contacts avec des artisans cordonniers qui pourraient me faire une paire de bottes sur mesure.

Ça fait trois mois que je traque sur eBay la véritable botte Weston demi-mesure de la garde républicaine; dont un certain nombre de paires neuves sont revendues autour de 500 euros, mais plutôt dans la pointure la plus courante 44. Il y a peu d'intermédiaires entre des bottes de facture américaine basique de chantier ou d'uniforme, et des réalisations très haut de gamme, au cas par cas par quelques artisans introuvables.

Le chef d'atelier de Millau m'indique pour ce que je cherche Monsieur X, un contact à Mende, chef-lieu de la Lozère, département le moins peuplé de France. C'est vaguement sur la route, il ne me laisse que l'adresse. Go!

Sur une petite place de Mende, une échoppe de cordonnerie des plus classiques; et un gars avec un air de CharlÉlie Couture. «Bonjour, c'est vous Monsieur X?» Il acquiesce, je lui explique que je lui aurai bien passé un coup de fil au préalable pour prévenir de mon passage, non, ce n'est pas la peine, il travaille un peu sur Paris, sur Mende c'est mieux, plus calme, ce n'est pas souhaitable d'être contacté par n'importe qui.

Je lui explique mon projet; sur mesure, en cordovan, des bottes jusqu'au genou pour la moto et la chasse;  étanches et galbées. Une lumière s'allume dans ses yeux, je vois que cela excite sa curiosité, mais vraiment ce n'est pas le genre à sortir le grand art pour de riches goujats, il va falloir que je sois plus convaincant: nous discutons chaussure pour homme, Vass, Alden, semelle en cuir, cousu trépointe, qualité de doublure, fers encastrés et sur mesure pendant vingt minutes.

Finalement nous tombons sur un accord de principe, une fourchette de prix et la nécessité de planifier quatre ou cinq rendez-vous sur six mois. Il est un peu challengé, ce n'est pas du classique ce que je veux, certaines techniques de travail du cuir de cheval lui demanderont les conseils d'un ancien maître; le galbe c'est très difficile à faire, ben oui, c'est toute la différence entre une botte cylindrique de moto et une belle botte d'équitation.

J'aurai sans doute à revenir sur le sujet dans un article ultérieur.

4. Les gorges du Verdon


Arrivée à Manosque, après 200km à travers le Gard. Je n'ai pas fait de grosse boulette de conduite et je suis content d'arriver; il est 17h, le plan est d'explorer tranquillement le centre à la recherche d'une chambre d'hôte.

Le centre est sur un promontoire, la ville a dû s'élargir à partir d'une base fortifiée sur une colline. Ce qu'il en reste, c'est une sorte de petit boulevard circulaire en sens unique qui tourne autour, et les rues pour y accéder de l'extérieur sont en bonne pente. Surtout celle que je prends d'ailleurs, et je réalise en cours de manoeuvre que je dois gérer mon point faible, le virage à droite en montée à allure lente avec une complication puisque ni la signalisation d'engagement, ni les véhicules circulant en amont, ne sont visibles. Je rate le virage, freine et rattrape in extremis la moto qui tombe avec un grand coup de rein. Ce vieux truc des villes du Moyen-Âge fait encore son effet sur les chevaliers modernes... Presque une semaine que je ne fais que ça, j'aurais aimé que certains problèmes soient résolus, ou deviennent aussi simples qu'en voiture, rétrospectivement j'ai l'impression qu'aucun motard même chevronné avec une moto un peu lourde n'est à l'abri d'une chute à la con tout seul. Agacé je me gare près d'un banc public, et boum, deuxième erreur mon casque tout neuf m'échappe des mains, de pas très haut, mais assez pour faire une belle rayure sur l'écran; le vieux casque que Laurent m'a passé, n'avait pas une seule rayure, je le note.

C'est donc mon premier arrêt dans la région PACA, et après avoir traversé des régions vraiment préservées, je déchante un peu. L'ambiance est plus commerciale, il y a des choses comme des bars à la mode, des magasins de bougies, des artistes à deux balles et peut-être même une boîte de nuit et la faune qui va avec, enfin pas encore, ce n'est pas la saison. Les tarifs d'hébergement aussi, ne descendront guère sous 60 euros jusqu'à ce que j'atteigne les Alpes.

L'ambiance est irrespirable en fait; et je trouve assez vite un plan dans une bastide provençale excentrée qui vient d'avoir une annulation. Elle est desservie par un chemin défoncé en caillasse; c'est en ralenti de première et avec l'aide des pieds que je me traîne devant le portail. Au contraire de mon arrivée, l'endroit est vraiment grandiose, d'ailleurs les clients sont des habitués et s'installent à la semaine; nous sommes une douzaine et la scène prend une tournure de huis clos quand tout le monde passe à table.

Parmi les convives une Américaine en début de vingtaine, caricature de californienne bronzée et trop souriante, origine vietnamienne, nous fait faire une partie de la discussion en anglais. My godness! ses propos sont d'une grande banalité, son statut et ses études aussi, ce MBA de l'INSEAD à Fontainebleau, tout le monde fait ça, il doit être bien coté; elle est hébergée au Château de Fleury-en-Bière et j'ai bien l'impression que leur programme pédagogique de grasshopper cloud without frontiers ne s'embarrasse pas de l'apprentissage du céfran. Je ne sais pas pourquoi elle tient à nous dire le nom du propriétaire mais elle cherche ses mots; coïncidence, j'avais justement appris trois semaines plutôt à l'occasion de la visite de Courances que celui de Fleury était dans la même famille, j'indique le marquis de Ganay.

Le lendemain, grand départ pour le lac de Sainte-Croix


au pied des gorges du Verdon. «Tout motard se doit de faire les gorges une fois dans sa vie», c'est marqué dans le guide; beaucoup ont dû le lire, en réalité, la plupart des véhicules circulant aux abords sont des motos de grosse cylindrée et il faut imaginer la carte postale ci-dessus noyée dans un raffut de mise en jambes avant le bol d'or, vraiment dommage.

Je suis passé par la route Sud dite la corniche sublime en serrant bien à droite à une moyenne de 30-40km/h ce qui ne présente pas tellement de difficulté, puisqu'on peut à tout moment piler en dix mètres; et les croisements moto-voiture sont quand même faciles. C'est sans doute, pour certains, aussi sacrilège que descendre une piste noire en chasse-neige; ainsi je me fais traiter comme un point fixe par une grappe de cinq morts en sursis: sûr, je leur ai pourri leur chrono. En une heure de trajet je ne me fais dépasser que six fois, ce que je considère comme encourageant.

La vue ne se raconte pas, au petit restau du point de vue, il y a 700 mètres d'à-pic, et minimum 4000 chevaux garés devant. Avec soulagement, le relief se calme et j'arrive à un petit vallon couvert de jonquilles, fais une pause et me laisse glisser jusqu'à Castellane.




5. Le Lautaret

Quand j'ai demandé à mon GPS de me guider de Ceillac à Grenoble, je n'ai pas immédiatement fait le rapprochement entre la section Briançon-Grenoble et une route panoramique de mes souvenirs d'enfance, le col du Lautaret.

Ça fait quelques jours déjà que je grenouille dans les alpages sur des routes peu fréquentées avec des vilains lacets, des gravillons, des cyclistes qui me doublent en descente, et ici c'est une axe commercial de montagne important, beaucoup de poids lourds. Je commence à être un peu plus à l'aise, et le poids lourd qui me suit, même si j'ai bien compris qu'il pourrait passer devant, me laisse un tampon de survie de plus de 100m. Grands virages, dénivelés, paysages, tunnels, c'est un jeu vidéo qui m'occupe à 100% pendant 45 minutes jusqu'au bas de la vallée que je franchis façon finish --- et pause sur le bord de la route. Quatre poids lourd et trois voitures en profitent pour reprendre une allure normale.

Il faudra refaire ça en Mercedes SL500 décapotable. Avec Mika, Take it Ea-ea-sy, avec un coca, en chantant et en envoyant des SMS.


<a href="http://www.youtube.com/watch?v=RVmG_d3HKBA?hl=en"><img alt="Play" src="http://www.gtaero.net/ytmusic/play.png" style="border:0px;" /></a>

La route continue vers Grenoble sur une voie rapide. Puis une autoroute mais là, j'en ai marre et c'est l'heure de déjeuner alors je sors n'importe où, à Pont-de-Claix pour être exact, la grande banlieue de Grenoble.

Grenoble, ses braqueurs, ses SSII; la banlieue de Grenoble: the place to be.

Les premiers piétons que je croise parlent en arabe; il n'y a rien qui ressemble à un bistro même minable, c'est une grande avenue couverte de panneaux de pub et de franchises Pier Import, Saint Maclou, Norauto, garage Volkswagen, de la pure zone; j'échoue dépité dans un grill Courtepaille. Tout ça n'a pas d'allure et donne l'impression que par faiblesse, le territoire se laisse recouvrir par ce chiendent architectural vivace, aussi sûrement que caulerpa taxifolia couvre les fonds marins.

Je n'ai toujours pas d'antivol et pour la première fois depuis le départ, je m'en soucie et je demande explicitement une table avec vue sur ma moto sur le parking. À la carte, entre une grillade et une grillade, je tombe sur une bonne surprise, un boeuf froid en gelée; c'est plutôt original, je prends ça avec un jus de tomate. Je dois convenir que la nourriture, le service et le tarif sont irréprochables. C'est simplement la perspective de vivre ici, la même expérience hors-sol exactement qu'au Courtepaille d'Orléans, d'Amiens, ou de Quimper qui me rend un peu triste.

6. La traque

C'est moi qui l'ai mise en oeuvre, en utilisant Google latitude en continu avec un iPhone fixé sur le guidon, tenant des comptes et prenant des notes de voyage.


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jourdéjdînersoiressencetrajet
v29101735, chambre d'hôte40400km: Paris-Arnac (autoroute). Bellac
s30201322, hôtel Tatet20200km: Bellac. Ambazac. D940a. Bénévent. Guéret. Lac de Vassivières. Gentioux. Sornac
d11000, camping sauvage20200km: Sornac. Meymac. Égletons. Barrage de l'Aigle. Pléaux. Aurillac. Vic sur Cère.
l2243075, ferme-auberge de la Méjanassère, route de Laguiole20200km: Vic sur Cère. Mur de Barrez. Pierrefort. D56. Pont de Tréboul. Gorges de la Truyère. Entraygues.
m301225, chambre d'hôte Mme Caumes0120km: Entraygues. Estaing. Bozouls. Gabriac. Laussac. Severac. Bois du four. Saint Beauzély. Montjoux. Candas.
m4381225030km: Candas. Millau. Candas.
j514122520120km: Candas. Brousse. Saint Sernin. Saint Affrique. Roquefort. Saint Rome. Candas.
v6132550, restaurant Le Tilleul20225km: Candas. Millau. Meyrues. Mende. Florac. La corniche des Cévennes. Saint Jean du Gard. Générargues.
s7142559, la bastide de l'Adrech20200km: Générargues. Nîmes. Saint Rémy. Cavaillon. Apt. Manosque.
d802075, hôtel du commerce20180km: Manosque. Quinson. Aupt. Lac de Sainte Croix. La corniche sublime sur les gorges du Verdon. Castellane. 
l9301020, le matefaim20175km: Castellane. Barcelonette. Guillestre. Ceillac.
m100102000km: randonnée du lac Miroir.
m110140, squat un pote20280km: Ceillac. Briançon. Col du Lautaret. Pont-de-Claix. Saint Pierre de Chartreuse. Saint Pierre d'Entremont. Le Pont de Beauvoisin. Sérézin.
j12000, maman20280km: Sérézin. Bourg en Bresse-Lons (autoroute). Tassenières. Nevy. Sampans. Genlis. Dijon.
v1300000km
s1400000km
d15000, maison40310km: Dijon-Paris (autoroute).

Méritent mention gastronomique particulière:
  • Hôtel Tatet, Sornac. Une salade de betteraves rouges des plus classiques, idéalement vinaigrée et aillée.
  • Hôtel du Midi, Pierrefort. Sorbet à la gentiane façon omelette norvégienne.
  • Auberge de la Méjanassère, Entraygues. Farçou aux épinards frais idéalement craquant et léger avec une salade mêlée de fleurs d'acacia. Un blanc, cépage Chenin, dans l'appellation Entraygues-Le Fel.
  • La mangeoire, Millau. Un saupiquet de lièvre dans le filet, rôti, saignant.
  • Chambre d'hôte, Candas. Une boîte de trénels.
  • Le tilleul, Générargues. Une cuisse de lapin à l'estragon idéalement cuite.
  • La bastide, Manosque. Confiture de méréville.
  • Le patio, Barcelonette. Mont d'or au four au génépi, charcuterie.
Oublis logistiques
  • un coupe-ongles
  • des pastilles de purification pour l'eau courante sauvage
  • des crocs, enfin n'importe quoi de plus léger que des bottes.

mardi 18 janvier 2011

Rejet du Monde

Ce texte n'est pas une fiction.

Je crois que je suis mûr pour le nouveau style du débat politique sauce 2011.

Ce mardi soir, j'étais bien tranquille à cuisiner et dîner en regardant le JT de 20h, Pujadas nous parle de la Tunisie, la France qui fait des enfants, et reçoit Marine le Pen.

On sonne à la porte. Surprise. Normalement je n'ai pas d'amis. Peut-être le calendrier des pompiers! Chemise en velours noir et petit verre de Chablis, j'ouvre et un couple de jeunes genre étudiants, goutte au nez, me propose le journal le Monde, grosse pile dans la main.

- Monsieur bonsoir, nous voulions vous proposer d'acheter le Monde, dit le garçon.
- vous n'avez pas autre chose?
- quoi par exemple?
- euh... je sais pas, moi, Causeur?
- c'est quoi?
- vous ne connaissez pas Causeur? C'est très à droite, plutôt pro-sémite.
- ah non je ne connais pas [la fille fait un signe du genre --- on se casse].
- ben pourtant, Élisabeth Lévy, on la voit partout à la télé. Vraiment ça ne vous dit rien?
- non... mais pourquoi vous ne voulez pas le Monde...
- parce que ce journal est d'une orthodoxie écœurante
- ah bon moi je croyais que l'orthodoxie c'était plutôt dans la tête des gens de droite...
- je veux parler d'orthodoxie dans la bien-pensance. Sérieusement à ce niveau-là, ça ne s'appelle plus du journalisme [pause, je veux lui laisser une chance]. Mais bon, vous faites ça pour gagner des sous, ou par adhésion politique à la ligne du journal le Monde?
- ah nous on y croit.

Je désigne le bouclier lambda sur le mur.



- alors regardez bien, là, c'est le drapeau du Bloc Identitaire.
- [il blêmit] au Bloc Identitaire et pro-juif, vous n'avez pas l'impression d'une contradiction?
- si c'est pas un amalgame ce que vous dites, je me demande bien ce que c'est.
- à propos d'amalgames, le Bloc Identitaire a pas mal d'avance...
- bon... vos propos prouvent que les nouveaux fachos ne sont pas forcément ceux qu'on pense [la fille le tire par la manche]. Désolé, j'aime beaucoup les Juifs. Bonsoir! [avec le sourire]

***

Trois minutes plus tard, commence l'interview de Marine par Pujadas. Je n'apprécie pas trop le FN, pour les raccourcis de son discours, parce qu'il raffole du lynchage, et aussi... parce que l'arrière garde moisie est sûrement toujours là. Mais il faut bien reconnaître que Marine se débrouille très bien, et ce soir-là, elle est radieuse; depuis le début, j'attendais la facilité, la peau de banane de Pujadas, ça ne rate pas:

- je reprends une phrase qu'a dit votre père dimanche lors de ce congrès à propos d'un journaliste expulsé [...] «le personnage en question a cru pouvoir dire que c'est parce qu'il était juif qu'il a été expulsé, ça ne se voyait pas, ni sur sa carte ni sur son nez» [...]

Et la réponse, cinglante:

- [...] Monsieur, est-ce que vous croyez que cette anecdote dérisoire est du niveau d'un 20h?

***

Réellement, il va falloir que tous ces gens modérés sur le papier mais immodérés dans leur suffisance, se secouent les méninges pour trouver de vrais arguments. Qu'ils retrouvent le goût du pluralisme, de tous les débats, et du débat libre sans chercher, d'emblée, à disqualifier l'adversaire pour ce qu'on pense qu'il est...

...ou alors, finir de se convaincre à travers cette attitude, le procès de Zemmour, ou le dernier livre de Jean Robin, que la pensée totalitaire n'est pas à venir, mais bien déjà en place.

mardi 11 janvier 2011

Inquisition


La procédure inquisitoriale accorde une grande importance à l'aveu de l'accusé. En effet, juridiction religieuse, l'inquisition se préoccupe du rachat des âmes donc souhaite obtenir le repentir des accusés. Toute une procédure est alors mise en place pour obtenir leur témoignage. Pour aider les clercs à procéder aux interrogatoires, des manuels de l'inquisiteur sont rédigés dont les plus célèbres sont le Manuel de l'inquisiteur de Bernard Gui, le manuel d'Eymerich, et le manuel de Torquemada. On y indique la procédure, les questions à poser, les pressions morales et les pressions physiques que l'on peut y faire subir. L'inquisiteur doit extraire la vérité éventuellement «par la ruse et la sagacité». Parmi les pressions physiques, on peut citer la réclusion qui, selon Bernard Gui, «ouvre l'esprit», ainsi que la privation de nourriture et la torture. Mais une des particularités de l'instruction inquisitoriale est le secret : l'accusé et ses proches ne connaissent aucun des chefs d'inculpation et la défense se fait donc à l'aveugle. (wikipedia)

Deux étrangers au bout du monde, si différents
Deux inconnus, deux anonymes, mais pourtant
Pulvérisés sur l'autel de la violence éternelle
(Manhattan-Kabul, Renaud et Axelle Red)




TA. J'accueille maintenant Renaud Camus --- Élie Sémoun, Renaud Camus, Axelle Red. Alors Renaud Camus vous avez commencé à publier en 1975 et depuis votre oeuvre surabondante mêle romans, entretiens, ouvrages sur l'art et votre fameux journal dont vous avez commencé la publication en 1987 avec Journal Romain à l'époque où vous étiez a la Villa Médicis à Rome. Est-ce que vous croyez vraiment que tout ce qui vous arrive est suffisamment intéressant pour être noté, pour être publié et vendu dans les librairies?

RC. C'est le fait que d'aller jusqu'au bout de la vérité, de considerer la vérité a la fois comme un abîme et un but ultime peut présenter un intérêt. Je crois que n'importe quelle vie si on va jusqu'aux extrêmes de la vérité, enfin évidemment autant témoigner un peu de curiosité pour les êtres, pour les lieux, pour l'art; enfin autant aller jusqu'au bout de la vérité y compris dans ce qu'elle a de désagréable, en particulier pour soi.

TA. Ça doit pas être facile tous les jours.

RC. Non en effet, il y a des moments où c'est une sorte d'ascèse, ça peut être très désagréable, bien sûr.

TA. Aujourd'hui vous publiez le quatorzième journal, celui de l'année 1999, et ça s'appelle Retour à Canossa, où vous racontez Renaud Camus dans ce journal vos amours homosexuelles notamment avec un certain Farid Tali, Marocain de 21 ans avec qui vous avez publié Incomparable en 1999. Vous racontez pas mal d'histoires de baise homo dans les hammams.

RC. En effet.

TA. Ça vous intéresse, ça.

RC. Oui oui je m'intéresse beaucoup à la vapeur.

TA. [Ricanement] Ça vous plaît, ça.

On aurait pu rêver d'une entrée en matière qui rappellerait à ceux qui ont une culture générale un peu en déficit, comme moi, les échos inépuisables du terme Canossa, puisqu'il est souvent question de faire de la pédagogie (surtout pas à la télé?).

Ardisson aurait pu expliquer que le titre est une métaphore de la propre humiliation amoureuse de Camus devant Farid, une relation longue et complexe, qu'il y avait mieux à relever qu'un simple plan au sauna:
« Dialogue de sourds : je voudrais qu'il me dise qu'il m'aime, il voudrait que je lui dise qu'il est un génie. Les deux aspirations sont également impossibles à satisfaire. »


Mais non. Le but, c'est de faire potache et graveleux. Un volontaire pour élaborer sur la vie sexuelle d'Ardisson?

Le but aussi, est de rendre vraisemblable l'accusation de racisme anti-arabes qui attend l'auteur sur la fin de l'entretien: il était important de tourner les choses ainsi. En ce sens, cet entretien est un piège bien préparé.

RC. J'aime bien, oui; ça a été une grande partie de ma vie, en effet.

TA. Il y a tout un tas de descriptions, de relations physiques assez crues parfois, des digressions historiques et littéraires, vous êtes très cultivé, ça c'est clair; hein, et vous le montrez, en plus.

se faire accuser d'être puant (par Ardisson)...


RC. [Rire gêné] J'espère pas trop quand même, je le montre quand l'occasion s'en présente, j'ai la chance d'être curieux, je m'intéresse à beaucoup de choses, oui.

TA. Vous avez des problèmes de MacIntosh, alors vous racontez vos problèmes de MacIntosh;

RC. Ça c'est bien vrai

TA. Vous racontez tout, quoi

RC. Oui, je raconte tout en effet

ES. Vous allez racontez cette émission?

RC. Ah, oui bien sûr

TA. On va y venir, il parle d'une émission qu'il a regardée où tu étais on va y venir

ES. Ah bon

...coïncidence...

TA. Vous parlez de la déchéance de votre mère vieillissante, problème de fric avec les impôts, la banque, hein

tact

RC. Ah ça en effet

TA. Et vous parlez effectivement page 425 de Tout le monde en parle, émission à laquelle assistait Élie Semoun présent ce soir. Alors --- je te refais le truc --- alors moi je te dis, Élie Sémoun, vous avez déclaré que les juifs étaient sous-représentés à la télévision. Alors toi tu me réponds --- c'était de l'humour évidemment.

ES. C'est exactement ce que j'allais dire.

TA. Ouais. Moi je te dis: vous savez, si un goy disait ça, il serait viré le lendemain; et toi tu réponds: oui, c'était de l'humour à l'envers. Alors cet échange a été noté par Renaud Camus dans son journal qui sort aujourd'hui, Journal de Canossa. Ce qui extraordinaire, moi quand j'ai lu votre journal et que je suis tombé là-dessus j'ai trouvé ça insensé, c'est ça en fait qu'on vous a reproché, la fameuse Affaire Renaud Camus, c'est ce que lui fait avec humour, et que vous vous avez fait peut-être avec moins d'humour; peut-être que vous n'êtes pas Élie Semoun, peut-être que vous êtes goy en tous les cas; quand on lit votre bouquin page 417 apparaissent les prémisses de ce que l'on a appelé après l'affaire Renaud Camus que je vais essayer de résumer, dites-moi si je me trompe:

l'affaire commence, donc, en l'an 2000 avec la parution chez Fayard d'un de vos bouquins qui s'appelle La campagne de France, qui est le journal 1994, bon tout va bien c'est ni le premier ni le dernier et puis un jour il y a un critique, peut-être un peu plus courageux que les autres des inrockuptibles qui lit le bouquin en entier et qui publie un papier intitulé La peste Noire où il révèle un passage de votre livre consacré à l'émission de France Culture appelée Panorama où vous dites: «il m'agace, il m'attriste d'entendre et de voir cette culture et cette civilisation avoir pour principaux porte-paroles un majorité de juifs français de la première ou de la seconde génération.» C'est à dire que, ce que Élie dit sur le plateau de cette émission...

ES. Vous n'arrêtez pas de parler de moi en fait

TA. ...en faisant du second degré, vous vous le dites au premier degré dans votre journal, vous remarquez la surreprésentation de collaborateurs juifs dans l'émission de France Culture Panorama; vous ne dites pas qu'il y en a trop, vous dites qu'il n'y a que ça

RC. Je dis que ils sont en effet assez nombreux et que cette émission --- ils ont tendance à parler plutôt de questions d'intérêt juif, c'est à dire souvent de questions de très très grand intérêt, mon reproche est, en somme, qu'une émission à vocation généraliste est en train de prendre un côté qui me semble, à tort ou à raison, ça peut se discuter, communautaire. Je n'ai rien contre les émissions communautaires

TA. Je résume pour les amis téléspectateurs, c'est France Culture, c'est pas Radio J

RC. C'est UNE émission généraliste. Sur France Culture il y a une émission communautaire qui s'appelle Écoute Israël dont je suis un des plus fidèles auditeurs depuis des années, et je ne lui reproche pas d'être communautaire, mais ce sont deux genres différents

ES. Mais on est toujours sur le fil du rasoir quand on dit des choses comme vous,

RC. sur le fil du rasoir je suis bien d'accord

ES. parce que ça peut être très mal interprété;

RC. Ça l'a été

ES. Et je peux comprendre que cela puisse être très mal interprété, moi si je disais oh y a... et puis non je vais pas le dire. C'est délicat parce que ça me fait penser y a pas longtemps je faisais une émission hypershow avec Jacques Vergès et ce gars dit des pseudo-vérités sur les gens; il dit mais non je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas défendre ce mec, il a le droit d'être défendu etc, c'est vrai ce qu'il dit

TA. en parlant de Barbie par exemple

ES. c'est vrai qu'il a le droit d'être défendu sauf que c'est un salaud, et celui qui défend un salaud ben c'est pas loin d'être un salaud. C'est pour ça que je dis qu'on est sur le fil du rasoir quand on dit des choses comme ça

RC. L'ennui c'est que nous vivons dans une société où à la question Est-ce que ceci est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai, ce qui est une question extrêmement intéressante, a tendance à se substituer la question Est-ce qu'on peut le dire ou est-ce qu'on ne peut pas le dire

ES. C'est exact. Pourquoi vous avez dit ça?

RC. Parce que c'était mon expérience, et c'était des choses que je ressentais un jour...

ES [coupe la parole] Vous savez quand on écrit quelque chose

RC. [incompréhensible]...exagère un peu, ça n'est pas bien méchant

ES. ça prend plus de poids forcément. Donc il faut être responsable de ce qu'on écrit [sourire forcé et condescendant]


C'est Élie Semoun qui dit ça, le même Élie que dans Élie et Dieudonné. Il faudrait aussi être responsable de ses spectacles et des gens avec qui on s'associe





RC. Ce n'était pas très important dans mon esprit non plus, puisque j'ai dit à l'éditeur
que si ça le dérangeait il pouvait le supprimer il n'a pas voulu le faire...

TA. Voilà alors ce qu'il s'est passé... Encore une fois je ne suis pas dans la polémique je suis dans la vérité comme vous le disiez si bien, c'est pas votre éditeur habituel POL qui publie le bouquin parce que vous lui dites «si tu veux couper tu coupes» lui dit non non je ne publie pas alors que c'est votre éditeur de longue date, c'est Fayard qui publie ce bouquin, Claude Durand et puis après quand l'histoire commence à faire un peu de bruit, effectivement quand l'article sort dans les inrockuptibles et puis après c'est repris par la presse Fayard décide de retirer le livre des librairies et le remet en vente après avoir retiré les passages incriminés, c'est à dire après l'avoir caviardé tout simplement. Alors levée de boucliers effectivement, Laure Adler qui dirige France Culture, menace de vous attaquer au tribunal, Catherine Tasca emboîte le pas elle parle d'interdiction, et là vous vous êtes mis tout le monde à dos, c'est à dire que d'un seul coup...

RC. Je ne me suis pas mis tout le monde à dos. C'est un peu plus compliqué que ça, il y a des partisans et des défenseurs, il y a aussi des gens qui m'ont soutenu, je ne vais pas rentrer maintenant ici dans tous les détails, il y a un livre sur la question qui s'appelle Du Sens



«Renaud Camus fut soutenu, entre autres, par Alain Finkielkraut, Élisabeth Lévy, Emmanuel Carrère, Camille Laurens et Marianne Alphant» (wikipedia)

TA. Tout à fait. Vous faites un livre qui s'appelle Du Sens, ce qui est absolument abracadabrant, qui reprend les pages incriminées, mais qui est publié par l'éditeur POL, qui ne voulait pas publier le journal de France et alors dans Du Sens vous rajoutez --- au passage je lui signale s'il ne l'a pas lu --- vous rajoutez Gérard Miller dans la liste des Juifs, vous l'aviez peut-être oublié la première fois?

RC. Je n'ai pas une passion pour Gérard Miller; j'ai cru remarquer qu'il était impossible de n'avoir pas de passion pour Gérard Miller en dehors de toute considération d'origine... je ne suis pas le seul


Il y a lieu de se demander par quel miracle Gérard Miller surnage dans l'espace médiatique (Jean Robin: «le dernier livre de Gérard Miller, Le divan et le confessionnal, paru le 23 août 2010, vendu à 549 exemplaires à ce jour. Un auteur auto-édité boycotté par les médias ferait mieux. Il faut croire que personne ne s’intéresse à la petite vie de l’insupportable psychanalyste Gérard Miller»). Je précise que Jean Robin est juif

TA. Voilà vous finissez par dire dans ce bouquin, à aucun moment je n'ai contesté le droit absolu des journalistes et des intellectuels juifs à occuper une place dans une émission officielle, il m'est simplement arrivé de m'interroger sur l'opportunité de les voir occuper toutes les places.

RC. En l'occurence, dans cette émission-là. Je n'ai pas dit toutes les places, un grand nombre de places.

ES. [agressif] Et alors?

RC. ?

ES. Ça s'arrête là? C'est tout? Mais alors à quoi ça sert de le dire?

Nous sommes ici dans un procès d'intention, une intimidation, plus exactement il s'agit pour Élie Semoun de forcer Renaud Camus à dire qu'il est antisémite. La méthode est assez malhonnête, et ceci, dans à peu près toutes les cultures. C'est, avec lui beaucoup plus qu'avec d'autres, voué à l'échec car justement, la démarche artistique de ce dernier procède d'une complète exposition: rien à cacher, rien à trouver.

RC. [réfléchit] Si c'est vrai et si un auteur se donne pour idéal d'aller jusqu'au bout de la vérité et qu'il a un jour...

ES. [coupe la parole] Vous n'êtes pas choqué qu'il y ait beaucoup d'homosexuels dans le show-business?

Il n'avait pas osé la faire il y a deux minutes mais là, il se lance. On est ici dans l'attaque ad hominem, et aussi dans cette approximation rhétorique qui voudrait que l'on parle mieux de ce qu'on l'on a déjà vécu (principe qui, si on le suit jusqu'au bout, invite chacun à ne parler que de son ghetto).


RC. Il est absolument incontestable que s'il y avait une émission donnée comme généraliste où tout le monde était homosexuel et ne parlait que du corps de...

Axelle Red [coupe la parole] Vous êtes homosexuel?

Depuis le début, elle se taisait, on s'attendait à quelque chose de génial. On se rend compte qu'elle n'a pas compris ou pas suivi le début de la discussion à propos de Farid. Peut-être, était-elle en train de songer à ce tube co-chanté avec Renaud, à ces paroles, si niaises, qui mettent sur un plan strictement égal la violence de l'impérialisme américain et le terrorisme islamiste, en les renvoyant dos à dos sur l'autel de la violence éternelle, ce qui permet d'évacuer, dans un fatalisme béat, 
tout embryon de réflexion, au lieu de s'attacher à les placer dans un balance et constater qu'elle penche. Il y a de quoi, en effet, décrocher.

RC. Ah oui absolument... ne parlait que de questions exclusivement homosexuelles je dirais peut-être...

ES. Vous diriez la même chose?

RC. ...ils exagèrent un peu

TA. Non, sérieusement: vous diriez la même chose?

RC. [fort] Ah mais alors, ma parole d'honneur au dernier degré. Ça absolument, bien sûr.

TA. Eh bien j'en connais moi [ricanement] Bien, alors, Bernard Henri-Lévy dans Le Point lui dit que vous êtes antisémite façon Maurras, c'est à dire Maurras, Charles Maurras qui pensait que les métèques n'entendaient rien aux subtilités de la culture française.

RC. Il n'y a rien qui soit plus contraire à mon opinion. Je pense que les Juifs ont un rôle essentiel dans la culture française, qu'ils peuvent la représenter parfaitement, rien n'est plus éloigné de mon idée que la phrase idiote de Maurras selon laquelle un Juif ne serait pas capable de comprendre un vers de Racine, ça me semble d'une stupidité totale, les plus grands exégètes du théâtre classique...

TA. [coupe la parole] Bien. Ceci étant BHL refuse la censure, refuse que l'on interdise ce type de livres, il dit: Renaud Camus est, hélas, je dis hélas, un écrivain. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, être écrivain en France, ça vous couvre; puisque même le Président de la République François Mitterrand voulait être écrivain, Giscard voulait être écrivain, Poivre d'Arvor voulait être écrivain; c'est vrai qu'aujourd'hui en France même quand on atteint les plus hauts sommets de l'État, on n'est rien tant qu'on n'est pas écrivain. Déjà vous avez eu le Brevet d'écrivain...



Ardisson, lui, est plutôt plagiste (google ardisson plagiat)  


RC. Je ne sais pas si j'avais besoin d'un Brevet d'écrivain, j'irais chercher BHL, ce n'est pas non plus le critique le plus euh...

J'aimerais bien aussi avoir la formule magique de BHL pour durer autant dans les people. À croire que les concessions du PAF sont à vie. Depuis que j'ai douze ans BHL se ridiculise. Pour une bonne soirée deuxième degré, je recommande Le jour et la nuit, un film qui passe pour être le plus nul du cinéma français.

TA. Ce que je veux dire c'est que là tout simplement vous tombez du côté de Céline c'est à dire: on dit, il écrit des trucs un peu insupportables mais c'est un écrivain

RC. [agacement] Je trouve que l'assimilation à Céline peut être très flatteuse par certains côtés, mais enfin je ne l'assume en aucune façon, je n'ai aucun rapport, nous n'avons en aucune façon les mêmes mythologies

TA. Quand on écrit des choses comme ça, il faut après assumer les conséquences, ou alors on ne les écrit pas

RC. La scène qui est rapportée dans ce volume de journal, m'avait beaucoup intéressée parce qu'elle coïncidait exactement avec ce que vous appelez le début de l'affaire et ça me semblait extrêmement pertinent, cet échange entre vous, ce qui prouve qu'il y a une question du locuteur, ce n'est pas tant ce qu'on dit mais qui dit quoi, qui est l'instrument de la parole, et vous dites très justement, si un goy disait justement ce que vous venez de dire, qu'est-ce qu'il prendrait. Et c'est justement, voilà, si vous voulez, l'affaire Renaud Camus en train de se jouer.

TA. [Plateau plongé dans le noir, musique des dents de la mer, séquence de La Question Qui Tue] Renaud Camus: peut-on tout écrire, même les pensées les plus ignobles?

RC. Je ne pense pas qu'on puisse tout écrire. Absolument pas. Moi je suis très indiscret en ce qui me concerne moi, parce que j'essaye d'aller jusqu'au bout de la vérité mais je ne suis pas très indiscret pour les autres; et il se trouve que je crois, alors que j'essaye justement d'aller au bout de la vérité, que je n'ai pas de pensées ignobles, que je vois très peu de haine en moi, il n'y a pas de pulsion à la violence; je ne me trouve aucune pulsion sadique, donc la question ne me concerne pas très directement, je sens vraiment que je n'ai pas de pensées ignobles.

TA. On rallume. [Plateau rallumé, applaudissements] Alors, ce qu'on peut dire, quand même, vous avez depuis un peu aggravé votre cas... 







[RC: haussement de sourcils: surprise, incompréhension] vous avez fondé --- ah oui [échange de regards entendus avec Élie Semoun] --- le Parti de l'In-nocence. Le nom du parti, je vous concède que ce n'est pas bien méchant mais c'est quand même un parti qui dit que l'immigration depuis 30 ans, euh, n'a pas apporté un accroissement de la civilité et de l'harmonie dans les échanges

RC. ...n'a pas coïncidé avec...

TA. oui oui et la vie quotidienne; vous dites finalement que les populations qui arrivent en France ont des usages [Axelle Red tire ostensiblement la gueule] et des valeurs qui diffèrent --- vous êtes contre le métissage. 





RC. Je suis, en effet, assez réservé sur la question d'un métissage universel, général [Élie Semoun met la tête dans ses mains et signale son désaccord en silence] je trouverais, euh, oui, je n'y suis pas favorable, parce qu'il me semble que c'est la fin de l'altérité. Je suis très favorable, personne n'est moins xénophobe que moi. J'aime les étrangers, j'aime l'étranger, j'aime l'étrangèreté...

TA. Vous aimez les étrangers mais chez eux, vous [Axelle Red marmonne]




RC. ...non, j'aime les étrangers dans mon pays, dans ma culture, j'ai toujours une grande curiosité pour la culture étrangère, mais...

Axelle Red. ...on demande souvent le passeport, pour rentrer...

RC. ...je suis terrorisé par un monde unifié, où il n'y aurait plus de frontières, par exemple, je trouve les frontières délicieuses; rien n'est plus agréable que d'être de l'autre côté d'une frontière, et je serais terrorisé par un monde où on serait partout chez soi.




ES. C'est vraiment pas... parce que moi je savais pas, ça... c'est vraiment pas par hasard, que vous avez dit ça...



Insinuation

RC. [s'arrête de parler. Applaudissements. Sourit. Huées]

TA. Vous êtes contre l'immigration, vous êtes pour le droit d'asile, mais contre l'immigration.

RC. Je suis absolument pour le droit d'asile, tout le droit d'asile, rien que le droit d'asile.

TA. Vous êtes contre l'immigration, vous êtes pour le droit d'asile, et c'est tout: vous trouvez qu'il y a trop d'Arabes en France?

RC. Je pense que tous ceux, les personnes qui sont en France, ont pleinement le droit d'y être; je ne suis pas sûr de l'opportunité pour la paix, pour la tranquillité [Élie Semoun pince le nez] d'en faire venir davantage. Je ne crois pas qu'il faille leur solliciter de venir. On a dit cette chose extraordinaire la semaine dernière: on a obtenu des gens qu'ils demandent le droit d'asile. Vous vous rendez compte? À propos de Sangatte, on est revenus triomphalement, on a dit, il y en a quelques-uns qui ont accepté de demander le droit d'asile. Je suis pour le droit d'asile, certes, mais enfin pas pour contraindre les gens à demander le droit d'asile s'ils ne veulent pas le demander. On n'a pas à solliciter de l'immigration. Je ne suis pas très favorable à l'expansion démographique, on nous dit toujours, parce que, on est menacés de n'être pas assez nombreux, moi je ne crois pas que

TA. [coupe la parole] Vous préférez qu'on reste entre nous, quoi

Simplification 1

ES. Ça me fait toujours peur, parce que vous avez l'air intelligent, vous avez ce genre de pensée très alambiquée pour arriver à quelque chose de très simple et de très euh...

Simplification 2

RC. Je ne suis pas sûr que cette pensée soit si alambiquée que ça...

ES. En tous cas, la façon dont vous parlez, dont vous l'exprimez, vous utilisez un langage plutôt châtié, pour dire des choses qui sont euh [regard de dégoût] pas terribles quoi... en toute honnêteté

Simplification 3

TA. Vous voulez dire que dans les bistrots, les gens le disent moins bien, mais ils disent la même chose.

Simplification 4... où l'on découvre (?) que la pensée de Renaud Camus ne peut être traduite dans le langage simplifié d'Élie Semoun, qu'il y a là, comme une illustration de

«Une pensée libre est une pensée qui connaît sa langue. Le langage n'est pas seulement un instrument de communication. Il est d'abord un instrument de perception. L'œil ne voit pas ce que l'esprit ne sait pas nommer. Le vocabulaire est un des moyens du regard. Il est aussi, et la syntaxe avec lui, un des moyens de la pensée. Moins nous avons de mots, moins nous sommes aptes à concevoir.» (Renaud Camus, discours aux États Généraux de l'Indépendance, 6 janvier 2011 à l'Assemblée Nationale)
La conclusion n'est pas la doxa, alors pourquoi réfléchir? 

ES. Moi j'ai l'impression ouais, mais ça me fait encore plus peur quand je l'entends comme ça. Excusez-moi, c'est ce que je ressens...




RC. Supportez quelques divergences entre nous. Il ne peut plus y avoir de débat; on ne peut plus dire quelque chose qui ne coïncide pas avec la pensée dominante, sans être aussitôt exclu de l'échange et traité de tous les noms

ES. Ce qui vous énerve en c'est que en fait, vous dites des vérités et puis y a une sorte de pensée universelle qui dit qu'on n'a pas le droit de dire que les arabes il faut les sortir de France, qu'il y en a trop, etc [le regard devient plus perçant] c'est ça qui vous ennuie?

RC. [se tournant vers son hôte] Je n'ai jamais rien dit de pareil...

ES. C'est ce que j'ai cru comprendre

RC. ...Canossa témoigne assez largement que je n'ai pas la moindre hostilité à l'égard des Arabes.

J'aime bien, aussi, personnellement, me laver de toute suspicion de racisme en convoquant nombre de partenaires sexuels de toutes races et origines. D'abord parce que c'est valorisant, parce que la plupart des gens ne peuvent pas suivre sur ce terrain, et surtout parce que cela constitue une preuve forte. Ces reportages sur de tristes communautés aryennes du Klan au fin fond des USA, nous montrent des gens névrosés parquant leurs femmes et filles blondes comme le capital génétique du groupe; et sont dignes en cela des pires talibans. Il n'y a pire promiscuité que celle d'un rapport sexuel, pire abomination pour un raciste véritable, et justement, Renaud adore.

TA. Moi je vais vous dire Renaud Camus, vous me faites penser à ce hollandais qui s'appelait Pim Fortuyn qui a été assassiné à l'aube d'une carrière politique assez importante, qui était un homme politique, hollandais, homosexuel, assez moderne dans son comportement, mais qui quand même voulait renvoyer tous les immigrés hors de Hollande.

« ...[M. Fortuyn] prit soin, à cette occasion, de prendre ses distances avec les positions exprimées dans les années 1980 par le Centrumpartij, qui prônait alors le départ des étrangers du pays, tandis que lui-même estimait que dès l'instant où ceux-ci étaient suffisamment intégrés, la question de leur présence ne se posait plus... » (wikipedia)

Comment est-ce qu'on peut être aussi tolérant quant à sa vie privée --- enfin je ne vais raconter tout ce qu'il y a dans votre bouquin parce qu'il est encore tôt --- et puis, comment on peut être aussi dur envers



Menace


les autres --- vous savez ces gens-là, s'ils viennent chez nous, c'est parce qu'ils n'ont rien à bouffer chez eux, moi si j'habitais au Sénégal, et si j'avais rien à bouffer au Sénégal, je viendrais en France.

RC. Je pense qu'on a témoigné un égoïsme, en effet, extraordinaire; je suis très favorable à l'aide aux pays en voie de développement, aux pays développés, je trouve qu'on leur donne beaucoup trop peu, je serais très favorable à une augmentation considérable de l'aide aux pays en voie de développement.

TA. Vous avez beaucoup d'adhérents dans votre parti?

RC. Nous ne sommes pas précisément un parti de masse...

TA. ...ouais... ben oui... vous connaissant...

RC. ...ce parti a un mois.

TA. Merci Renaud Camus d'être venu vous exprimer sur un plateau de télévision, je rappelle le titre de votre livre Retour à Canossa.

[RC quitte le plateau]

On va vous touiller!

Je ne voudrais pas qu'on croie que je colle à Renaud Camus dans ses moindres recoins idéologiques (seulement à 80%)... en tous les cas, si je le fais c'est moins par conviction que par la volonté de surjouer l'inverse, contrebalancer un mouvement devenu fou, comme le pauvre skipper se suspend à l'extérieur de la coque pour empêcher la déroute de son bateau.

Je reste très favorable à la mobilité des jeunes au sein de l'Europe: la réalité décrite par le film L'auberge espagnole n'est pas seulement une apologie de la glande loin des parents au prétexte d'un Erasmus, mais la révélation et la célébration d'un authentique esprit européen. Je vais faire une petite digression relative à ma position personnelle sur le métissage.

Il y a un parallèle piquant entre le métissage et le concept scientifique d'entropie, qui par le second principe ne donne qu'un seul sens possible à son évolution. Alors que la science permet de discuter sereinement de grandeurs quantifiables, faire une expérience de pensée sur un état précédent d'entropie moindre, de diminutions locales au prix d'une augmentation globale --- avec le métissage, point de tout cela: impossibilité de qualifier de façon neutre la situation passée ou opposée, voire de nommer, envisager un mouvement d'inversion.

La situation actuelle relève d'une obsession dogmatique pour le métissage:



une imposture qui par sa seule existence, justifie qu'on cherche à la mettre à mal, tant il semble évident qu'il n'est aucun phénomène social qui ne soit ou tout bon, ou tout mauvais.


Si je me reporte à mon expérience personnelle (né en 1974) je constate en pratique peu de couples mixtes dans mon entourage autrement dit, si dogme il y a --- les gens ne semblent guère pratiquants. J'oserai même faire état d'un certain manque d'originalité quant au mélange social, en tous cas chez les cadres sup c'est comme ça; dans des milieux plus popu, voire la génération de mes parents, là, oui il y a, il y a eu métissage avant l'heure, et personne ne les forçait.

Il est évident qu'un certain degré de métissage a toujours été une donnée de toutes les sociétés, sauf peut-être le Japon (mais que fais-tu Setsuko?); c'est une évidence de constater que les Français du Nord sont physiquement indistinguables des Belges, ceux de Nice, des Italiens, c'est simplement faire état d'une couche de mélange ethnique à la bordure des États.

Le métissage se définit comme le croisement entre individus appartenant à des races différentes. En se limitant sagement à la définition, on peut éviter le délicat sujet du métissage culturel, un sujet différent, et constater qu'il s'agit bien ici d'une recommandation biologique d'hybridation raciale sur des êtres humains, c'est à dire un terrain idéologique absolument miné. Alors quoi, est-ce que le problème c'est de savoir si en mélangeant jaune et noir, on va observer la vigueur hybride, est-ce que ça vit plus longtemps ou ça fait moins de cancer; est-ce qu'il est correct de fixer un seuil où un individu sera, sans pitié, qualifié de fin de race? Est-ce que ça a un sens de modeler homo sapiens à la convenance d'une idéologie, de la même façon que les chiens sont issus de loups modelés à la convenance de l'homme?

Le problème c'est de faire du métissage une injonction institutionnelle. Si des individus se portent, par goût mutuel ou le simple hasard des rencontres, vers une union ethnomixte, grand bien leur fasse. Il faudrait tout de même avoir le courage de relever que, si cette union se trouve aussi être mixte culturellement, ce point s'ajoutera dans les possibles axes de tension qui font qu'un couple peut aussi bien s'enrichir, que se déchirer du fait d'une trop forte disparité sociale, sexuelle, religieuse ou simplement de langage.

Conclusion

Résumé rapide de l'accusation: Monsieur Camus
1. Vous écrivez tout et n'importe quoi
2. Y compris ce qui en d'autres temps relevait de la brigade des moeurs
3. Y compris des choses sans intérêt (MacIntosh) et indécentes (la maman)
4. Et en plus, vous êtes antisémite
5. Et du coup tout le monde vous déteste
6. Mais vous êtes homo alors on va vous démonter là-dessus
7. En plus BHL confirme. Vous êtes coupable, c'est votre statut d'écrivain qui vous met à l'abri
8. Peut-on tout écrire, même les pensées les plus ignobles?
9. Et aussi il y a votre parti anti-immigrés, là: circonstance aggravante
10. Comme l'autre pédé en Hollande (qui a fini assassiné d'ailleurs)
11. Abjurez votre refus du métissage!
12. Comment osez-vous être à la fois 2. et 9.?

Je n'ai pas réussi à placer la vidéo originale dans ce texte sans son titre: «Antisémitisme: Ardisson flingue Renaud Camus» et je ne suis pas certain que ce titre soit bien choisi tant l'antisémitisme y occupe une place secondaire; et si exécution il y a, elle ne me semble pas très glorieuse,

j'aurais pour ma part indiqué «Traquenard prémédité: à trois contre un, ils n'arrivent pas à coincer un ennemi imaginaire».

Ça m'ennuie un peu de finir là-dessus, mais il faudrait, tout de même, replacer les choses dans un contexte plus large. S'il me semble indéniable que ce soir-là, Ardisson&co sont allés plus loin que Renaud Camus dans l'intolérance, le rejet et la bêtise, ils l'ont fait avec telle pleutrerie que tout cela reste bien inoffensif, hors l'atteinte à l'image publique.

La télévision de 2010 ne donne plus guère à voir et entendre que des robinets d'eau tiède, et berce les gentils Français dans une boîte en coton; et quand vaguelette il y a, les intervenants n'utilisent que les termes les plus outrés pour s'invectiver. Elle ne permet plus de conceptualiser, comparer, se fonder un avis sur ce qu'est --- réellement --- un raciste, un fasciste, la guerre, autrement que par des initiatives personnelles de lecture ou un petit week-end au cimetière américain de Normandie.

Il n'en a pas toujours été ainsi cependant: un autre animateur, Christophe Dechavanne, qu'on pourrait croire de la même trempe qu'Ardisson, s'est retrouvé au pilotage du plus gros dérapage télévisuel de notre histoire en février 1990, six mois avant la loi Gayssot. Il ne me semble pas qu'alors, le but était de traquer, juger, ou forcer les invités à réciter la messe. C'était simplement du journalisme, et il faut bien constater que la bête immonde ce soir-là, est sortie toute seule, sans qu'on la titille.