mardi 18 janvier 2011

Rejet du Monde

Ce texte n'est pas une fiction.

Je crois que je suis mûr pour le nouveau style du débat politique sauce 2011.

Ce mardi soir, j'étais bien tranquille à cuisiner et dîner en regardant le JT de 20h, Pujadas nous parle de la Tunisie, la France qui fait des enfants, et reçoit Marine le Pen.

On sonne à la porte. Surprise. Normalement je n'ai pas d'amis. Peut-être le calendrier des pompiers! Chemise en velours noir et petit verre de Chablis, j'ouvre et un couple de jeunes genre étudiants, goutte au nez, me propose le journal le Monde, grosse pile dans la main.

- Monsieur bonsoir, nous voulions vous proposer d'acheter le Monde, dit le garçon.
- vous n'avez pas autre chose?
- quoi par exemple?
- euh... je sais pas, moi, Causeur?
- c'est quoi?
- vous ne connaissez pas Causeur? C'est très à droite, plutôt pro-sémite.
- ah non je ne connais pas [la fille fait un signe du genre --- on se casse].
- ben pourtant, Élisabeth Lévy, on la voit partout à la télé. Vraiment ça ne vous dit rien?
- non... mais pourquoi vous ne voulez pas le Monde...
- parce que ce journal est d'une orthodoxie écœurante
- ah bon moi je croyais que l'orthodoxie c'était plutôt dans la tête des gens de droite...
- je veux parler d'orthodoxie dans la bien-pensance. Sérieusement à ce niveau-là, ça ne s'appelle plus du journalisme [pause, je veux lui laisser une chance]. Mais bon, vous faites ça pour gagner des sous, ou par adhésion politique à la ligne du journal le Monde?
- ah nous on y croit.

Je désigne le bouclier lambda sur le mur.



- alors regardez bien, là, c'est le drapeau du Bloc Identitaire.
- [il blêmit] au Bloc Identitaire et pro-juif, vous n'avez pas l'impression d'une contradiction?
- si c'est pas un amalgame ce que vous dites, je me demande bien ce que c'est.
- à propos d'amalgames, le Bloc Identitaire a pas mal d'avance...
- bon... vos propos prouvent que les nouveaux fachos ne sont pas forcément ceux qu'on pense [la fille le tire par la manche]. Désolé, j'aime beaucoup les Juifs. Bonsoir! [avec le sourire]

***

Trois minutes plus tard, commence l'interview de Marine par Pujadas. Je n'apprécie pas trop le FN, pour les raccourcis de son discours, parce qu'il raffole du lynchage, et aussi... parce que l'arrière garde moisie est sûrement toujours là. Mais il faut bien reconnaître que Marine se débrouille très bien, et ce soir-là, elle est radieuse; depuis le début, j'attendais la facilité, la peau de banane de Pujadas, ça ne rate pas:

- je reprends une phrase qu'a dit votre père dimanche lors de ce congrès à propos d'un journaliste expulsé [...] «le personnage en question a cru pouvoir dire que c'est parce qu'il était juif qu'il a été expulsé, ça ne se voyait pas, ni sur sa carte ni sur son nez» [...]

Et la réponse, cinglante:

- [...] Monsieur, est-ce que vous croyez que cette anecdote dérisoire est du niveau d'un 20h?

***

Réellement, il va falloir que tous ces gens modérés sur le papier mais immodérés dans leur suffisance, se secouent les méninges pour trouver de vrais arguments. Qu'ils retrouvent le goût du pluralisme, de tous les débats, et du débat libre sans chercher, d'emblée, à disqualifier l'adversaire pour ce qu'on pense qu'il est...

...ou alors, finir de se convaincre à travers cette attitude, le procès de Zemmour, ou le dernier livre de Jean Robin, que la pensée totalitaire n'est pas à venir, mais bien déjà en place.

mardi 11 janvier 2011

Inquisition


La procédure inquisitoriale accorde une grande importance à l'aveu de l'accusé. En effet, juridiction religieuse, l'inquisition se préoccupe du rachat des âmes donc souhaite obtenir le repentir des accusés. Toute une procédure est alors mise en place pour obtenir leur témoignage. Pour aider les clercs à procéder aux interrogatoires, des manuels de l'inquisiteur sont rédigés dont les plus célèbres sont le Manuel de l'inquisiteur de Bernard Gui, le manuel d'Eymerich, et le manuel de Torquemada. On y indique la procédure, les questions à poser, les pressions morales et les pressions physiques que l'on peut y faire subir. L'inquisiteur doit extraire la vérité éventuellement «par la ruse et la sagacité». Parmi les pressions physiques, on peut citer la réclusion qui, selon Bernard Gui, «ouvre l'esprit», ainsi que la privation de nourriture et la torture. Mais une des particularités de l'instruction inquisitoriale est le secret : l'accusé et ses proches ne connaissent aucun des chefs d'inculpation et la défense se fait donc à l'aveugle. (wikipedia)

Deux étrangers au bout du monde, si différents
Deux inconnus, deux anonymes, mais pourtant
Pulvérisés sur l'autel de la violence éternelle
(Manhattan-Kabul, Renaud et Axelle Red)




TA. J'accueille maintenant Renaud Camus --- Élie Sémoun, Renaud Camus, Axelle Red. Alors Renaud Camus vous avez commencé à publier en 1975 et depuis votre oeuvre surabondante mêle romans, entretiens, ouvrages sur l'art et votre fameux journal dont vous avez commencé la publication en 1987 avec Journal Romain à l'époque où vous étiez a la Villa Médicis à Rome. Est-ce que vous croyez vraiment que tout ce qui vous arrive est suffisamment intéressant pour être noté, pour être publié et vendu dans les librairies?

RC. C'est le fait que d'aller jusqu'au bout de la vérité, de considerer la vérité a la fois comme un abîme et un but ultime peut présenter un intérêt. Je crois que n'importe quelle vie si on va jusqu'aux extrêmes de la vérité, enfin évidemment autant témoigner un peu de curiosité pour les êtres, pour les lieux, pour l'art; enfin autant aller jusqu'au bout de la vérité y compris dans ce qu'elle a de désagréable, en particulier pour soi.

TA. Ça doit pas être facile tous les jours.

RC. Non en effet, il y a des moments où c'est une sorte d'ascèse, ça peut être très désagréable, bien sûr.

TA. Aujourd'hui vous publiez le quatorzième journal, celui de l'année 1999, et ça s'appelle Retour à Canossa, où vous racontez Renaud Camus dans ce journal vos amours homosexuelles notamment avec un certain Farid Tali, Marocain de 21 ans avec qui vous avez publié Incomparable en 1999. Vous racontez pas mal d'histoires de baise homo dans les hammams.

RC. En effet.

TA. Ça vous intéresse, ça.

RC. Oui oui je m'intéresse beaucoup à la vapeur.

TA. [Ricanement] Ça vous plaît, ça.

On aurait pu rêver d'une entrée en matière qui rappellerait à ceux qui ont une culture générale un peu en déficit, comme moi, les échos inépuisables du terme Canossa, puisqu'il est souvent question de faire de la pédagogie (surtout pas à la télé?).

Ardisson aurait pu expliquer que le titre est une métaphore de la propre humiliation amoureuse de Camus devant Farid, une relation longue et complexe, qu'il y avait mieux à relever qu'un simple plan au sauna:
« Dialogue de sourds : je voudrais qu'il me dise qu'il m'aime, il voudrait que je lui dise qu'il est un génie. Les deux aspirations sont également impossibles à satisfaire. »


Mais non. Le but, c'est de faire potache et graveleux. Un volontaire pour élaborer sur la vie sexuelle d'Ardisson?

Le but aussi, est de rendre vraisemblable l'accusation de racisme anti-arabes qui attend l'auteur sur la fin de l'entretien: il était important de tourner les choses ainsi. En ce sens, cet entretien est un piège bien préparé.

RC. J'aime bien, oui; ça a été une grande partie de ma vie, en effet.

TA. Il y a tout un tas de descriptions, de relations physiques assez crues parfois, des digressions historiques et littéraires, vous êtes très cultivé, ça c'est clair; hein, et vous le montrez, en plus.

se faire accuser d'être puant (par Ardisson)...


RC. [Rire gêné] J'espère pas trop quand même, je le montre quand l'occasion s'en présente, j'ai la chance d'être curieux, je m'intéresse à beaucoup de choses, oui.

TA. Vous avez des problèmes de MacIntosh, alors vous racontez vos problèmes de MacIntosh;

RC. Ça c'est bien vrai

TA. Vous racontez tout, quoi

RC. Oui, je raconte tout en effet

ES. Vous allez racontez cette émission?

RC. Ah, oui bien sûr

TA. On va y venir, il parle d'une émission qu'il a regardée où tu étais on va y venir

ES. Ah bon

...coïncidence...

TA. Vous parlez de la déchéance de votre mère vieillissante, problème de fric avec les impôts, la banque, hein

tact

RC. Ah ça en effet

TA. Et vous parlez effectivement page 425 de Tout le monde en parle, émission à laquelle assistait Élie Semoun présent ce soir. Alors --- je te refais le truc --- alors moi je te dis, Élie Sémoun, vous avez déclaré que les juifs étaient sous-représentés à la télévision. Alors toi tu me réponds --- c'était de l'humour évidemment.

ES. C'est exactement ce que j'allais dire.

TA. Ouais. Moi je te dis: vous savez, si un goy disait ça, il serait viré le lendemain; et toi tu réponds: oui, c'était de l'humour à l'envers. Alors cet échange a été noté par Renaud Camus dans son journal qui sort aujourd'hui, Journal de Canossa. Ce qui extraordinaire, moi quand j'ai lu votre journal et que je suis tombé là-dessus j'ai trouvé ça insensé, c'est ça en fait qu'on vous a reproché, la fameuse Affaire Renaud Camus, c'est ce que lui fait avec humour, et que vous vous avez fait peut-être avec moins d'humour; peut-être que vous n'êtes pas Élie Semoun, peut-être que vous êtes goy en tous les cas; quand on lit votre bouquin page 417 apparaissent les prémisses de ce que l'on a appelé après l'affaire Renaud Camus que je vais essayer de résumer, dites-moi si je me trompe:

l'affaire commence, donc, en l'an 2000 avec la parution chez Fayard d'un de vos bouquins qui s'appelle La campagne de France, qui est le journal 1994, bon tout va bien c'est ni le premier ni le dernier et puis un jour il y a un critique, peut-être un peu plus courageux que les autres des inrockuptibles qui lit le bouquin en entier et qui publie un papier intitulé La peste Noire où il révèle un passage de votre livre consacré à l'émission de France Culture appelée Panorama où vous dites: «il m'agace, il m'attriste d'entendre et de voir cette culture et cette civilisation avoir pour principaux porte-paroles un majorité de juifs français de la première ou de la seconde génération.» C'est à dire que, ce que Élie dit sur le plateau de cette émission...

ES. Vous n'arrêtez pas de parler de moi en fait

TA. ...en faisant du second degré, vous vous le dites au premier degré dans votre journal, vous remarquez la surreprésentation de collaborateurs juifs dans l'émission de France Culture Panorama; vous ne dites pas qu'il y en a trop, vous dites qu'il n'y a que ça

RC. Je dis que ils sont en effet assez nombreux et que cette émission --- ils ont tendance à parler plutôt de questions d'intérêt juif, c'est à dire souvent de questions de très très grand intérêt, mon reproche est, en somme, qu'une émission à vocation généraliste est en train de prendre un côté qui me semble, à tort ou à raison, ça peut se discuter, communautaire. Je n'ai rien contre les émissions communautaires

TA. Je résume pour les amis téléspectateurs, c'est France Culture, c'est pas Radio J

RC. C'est UNE émission généraliste. Sur France Culture il y a une émission communautaire qui s'appelle Écoute Israël dont je suis un des plus fidèles auditeurs depuis des années, et je ne lui reproche pas d'être communautaire, mais ce sont deux genres différents

ES. Mais on est toujours sur le fil du rasoir quand on dit des choses comme vous,

RC. sur le fil du rasoir je suis bien d'accord

ES. parce que ça peut être très mal interprété;

RC. Ça l'a été

ES. Et je peux comprendre que cela puisse être très mal interprété, moi si je disais oh y a... et puis non je vais pas le dire. C'est délicat parce que ça me fait penser y a pas longtemps je faisais une émission hypershow avec Jacques Vergès et ce gars dit des pseudo-vérités sur les gens; il dit mais non je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas défendre ce mec, il a le droit d'être défendu etc, c'est vrai ce qu'il dit

TA. en parlant de Barbie par exemple

ES. c'est vrai qu'il a le droit d'être défendu sauf que c'est un salaud, et celui qui défend un salaud ben c'est pas loin d'être un salaud. C'est pour ça que je dis qu'on est sur le fil du rasoir quand on dit des choses comme ça

RC. L'ennui c'est que nous vivons dans une société où à la question Est-ce que ceci est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai, ce qui est une question extrêmement intéressante, a tendance à se substituer la question Est-ce qu'on peut le dire ou est-ce qu'on ne peut pas le dire

ES. C'est exact. Pourquoi vous avez dit ça?

RC. Parce que c'était mon expérience, et c'était des choses que je ressentais un jour...

ES [coupe la parole] Vous savez quand on écrit quelque chose

RC. [incompréhensible]...exagère un peu, ça n'est pas bien méchant

ES. ça prend plus de poids forcément. Donc il faut être responsable de ce qu'on écrit [sourire forcé et condescendant]


C'est Élie Semoun qui dit ça, le même Élie que dans Élie et Dieudonné. Il faudrait aussi être responsable de ses spectacles et des gens avec qui on s'associe





RC. Ce n'était pas très important dans mon esprit non plus, puisque j'ai dit à l'éditeur
que si ça le dérangeait il pouvait le supprimer il n'a pas voulu le faire...

TA. Voilà alors ce qu'il s'est passé... Encore une fois je ne suis pas dans la polémique je suis dans la vérité comme vous le disiez si bien, c'est pas votre éditeur habituel POL qui publie le bouquin parce que vous lui dites «si tu veux couper tu coupes» lui dit non non je ne publie pas alors que c'est votre éditeur de longue date, c'est Fayard qui publie ce bouquin, Claude Durand et puis après quand l'histoire commence à faire un peu de bruit, effectivement quand l'article sort dans les inrockuptibles et puis après c'est repris par la presse Fayard décide de retirer le livre des librairies et le remet en vente après avoir retiré les passages incriminés, c'est à dire après l'avoir caviardé tout simplement. Alors levée de boucliers effectivement, Laure Adler qui dirige France Culture, menace de vous attaquer au tribunal, Catherine Tasca emboîte le pas elle parle d'interdiction, et là vous vous êtes mis tout le monde à dos, c'est à dire que d'un seul coup...

RC. Je ne me suis pas mis tout le monde à dos. C'est un peu plus compliqué que ça, il y a des partisans et des défenseurs, il y a aussi des gens qui m'ont soutenu, je ne vais pas rentrer maintenant ici dans tous les détails, il y a un livre sur la question qui s'appelle Du Sens



«Renaud Camus fut soutenu, entre autres, par Alain Finkielkraut, Élisabeth Lévy, Emmanuel Carrère, Camille Laurens et Marianne Alphant» (wikipedia)

TA. Tout à fait. Vous faites un livre qui s'appelle Du Sens, ce qui est absolument abracadabrant, qui reprend les pages incriminées, mais qui est publié par l'éditeur POL, qui ne voulait pas publier le journal de France et alors dans Du Sens vous rajoutez --- au passage je lui signale s'il ne l'a pas lu --- vous rajoutez Gérard Miller dans la liste des Juifs, vous l'aviez peut-être oublié la première fois?

RC. Je n'ai pas une passion pour Gérard Miller; j'ai cru remarquer qu'il était impossible de n'avoir pas de passion pour Gérard Miller en dehors de toute considération d'origine... je ne suis pas le seul


Il y a lieu de se demander par quel miracle Gérard Miller surnage dans l'espace médiatique (Jean Robin: «le dernier livre de Gérard Miller, Le divan et le confessionnal, paru le 23 août 2010, vendu à 549 exemplaires à ce jour. Un auteur auto-édité boycotté par les médias ferait mieux. Il faut croire que personne ne s’intéresse à la petite vie de l’insupportable psychanalyste Gérard Miller»). Je précise que Jean Robin est juif

TA. Voilà vous finissez par dire dans ce bouquin, à aucun moment je n'ai contesté le droit absolu des journalistes et des intellectuels juifs à occuper une place dans une émission officielle, il m'est simplement arrivé de m'interroger sur l'opportunité de les voir occuper toutes les places.

RC. En l'occurence, dans cette émission-là. Je n'ai pas dit toutes les places, un grand nombre de places.

ES. [agressif] Et alors?

RC. ?

ES. Ça s'arrête là? C'est tout? Mais alors à quoi ça sert de le dire?

Nous sommes ici dans un procès d'intention, une intimidation, plus exactement il s'agit pour Élie Semoun de forcer Renaud Camus à dire qu'il est antisémite. La méthode est assez malhonnête, et ceci, dans à peu près toutes les cultures. C'est, avec lui beaucoup plus qu'avec d'autres, voué à l'échec car justement, la démarche artistique de ce dernier procède d'une complète exposition: rien à cacher, rien à trouver.

RC. [réfléchit] Si c'est vrai et si un auteur se donne pour idéal d'aller jusqu'au bout de la vérité et qu'il a un jour...

ES. [coupe la parole] Vous n'êtes pas choqué qu'il y ait beaucoup d'homosexuels dans le show-business?

Il n'avait pas osé la faire il y a deux minutes mais là, il se lance. On est ici dans l'attaque ad hominem, et aussi dans cette approximation rhétorique qui voudrait que l'on parle mieux de ce qu'on l'on a déjà vécu (principe qui, si on le suit jusqu'au bout, invite chacun à ne parler que de son ghetto).


RC. Il est absolument incontestable que s'il y avait une émission donnée comme généraliste où tout le monde était homosexuel et ne parlait que du corps de...

Axelle Red [coupe la parole] Vous êtes homosexuel?

Depuis le début, elle se taisait, on s'attendait à quelque chose de génial. On se rend compte qu'elle n'a pas compris ou pas suivi le début de la discussion à propos de Farid. Peut-être, était-elle en train de songer à ce tube co-chanté avec Renaud, à ces paroles, si niaises, qui mettent sur un plan strictement égal la violence de l'impérialisme américain et le terrorisme islamiste, en les renvoyant dos à dos sur l'autel de la violence éternelle, ce qui permet d'évacuer, dans un fatalisme béat, 
tout embryon de réflexion, au lieu de s'attacher à les placer dans un balance et constater qu'elle penche. Il y a de quoi, en effet, décrocher.

RC. Ah oui absolument... ne parlait que de questions exclusivement homosexuelles je dirais peut-être...

ES. Vous diriez la même chose?

RC. ...ils exagèrent un peu

TA. Non, sérieusement: vous diriez la même chose?

RC. [fort] Ah mais alors, ma parole d'honneur au dernier degré. Ça absolument, bien sûr.

TA. Eh bien j'en connais moi [ricanement] Bien, alors, Bernard Henri-Lévy dans Le Point lui dit que vous êtes antisémite façon Maurras, c'est à dire Maurras, Charles Maurras qui pensait que les métèques n'entendaient rien aux subtilités de la culture française.

RC. Il n'y a rien qui soit plus contraire à mon opinion. Je pense que les Juifs ont un rôle essentiel dans la culture française, qu'ils peuvent la représenter parfaitement, rien n'est plus éloigné de mon idée que la phrase idiote de Maurras selon laquelle un Juif ne serait pas capable de comprendre un vers de Racine, ça me semble d'une stupidité totale, les plus grands exégètes du théâtre classique...

TA. [coupe la parole] Bien. Ceci étant BHL refuse la censure, refuse que l'on interdise ce type de livres, il dit: Renaud Camus est, hélas, je dis hélas, un écrivain. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, être écrivain en France, ça vous couvre; puisque même le Président de la République François Mitterrand voulait être écrivain, Giscard voulait être écrivain, Poivre d'Arvor voulait être écrivain; c'est vrai qu'aujourd'hui en France même quand on atteint les plus hauts sommets de l'État, on n'est rien tant qu'on n'est pas écrivain. Déjà vous avez eu le Brevet d'écrivain...



Ardisson, lui, est plutôt plagiste (google ardisson plagiat)  


RC. Je ne sais pas si j'avais besoin d'un Brevet d'écrivain, j'irais chercher BHL, ce n'est pas non plus le critique le plus euh...

J'aimerais bien aussi avoir la formule magique de BHL pour durer autant dans les people. À croire que les concessions du PAF sont à vie. Depuis que j'ai douze ans BHL se ridiculise. Pour une bonne soirée deuxième degré, je recommande Le jour et la nuit, un film qui passe pour être le plus nul du cinéma français.

TA. Ce que je veux dire c'est que là tout simplement vous tombez du côté de Céline c'est à dire: on dit, il écrit des trucs un peu insupportables mais c'est un écrivain

RC. [agacement] Je trouve que l'assimilation à Céline peut être très flatteuse par certains côtés, mais enfin je ne l'assume en aucune façon, je n'ai aucun rapport, nous n'avons en aucune façon les mêmes mythologies

TA. Quand on écrit des choses comme ça, il faut après assumer les conséquences, ou alors on ne les écrit pas

RC. La scène qui est rapportée dans ce volume de journal, m'avait beaucoup intéressée parce qu'elle coïncidait exactement avec ce que vous appelez le début de l'affaire et ça me semblait extrêmement pertinent, cet échange entre vous, ce qui prouve qu'il y a une question du locuteur, ce n'est pas tant ce qu'on dit mais qui dit quoi, qui est l'instrument de la parole, et vous dites très justement, si un goy disait justement ce que vous venez de dire, qu'est-ce qu'il prendrait. Et c'est justement, voilà, si vous voulez, l'affaire Renaud Camus en train de se jouer.

TA. [Plateau plongé dans le noir, musique des dents de la mer, séquence de La Question Qui Tue] Renaud Camus: peut-on tout écrire, même les pensées les plus ignobles?

RC. Je ne pense pas qu'on puisse tout écrire. Absolument pas. Moi je suis très indiscret en ce qui me concerne moi, parce que j'essaye d'aller jusqu'au bout de la vérité mais je ne suis pas très indiscret pour les autres; et il se trouve que je crois, alors que j'essaye justement d'aller au bout de la vérité, que je n'ai pas de pensées ignobles, que je vois très peu de haine en moi, il n'y a pas de pulsion à la violence; je ne me trouve aucune pulsion sadique, donc la question ne me concerne pas très directement, je sens vraiment que je n'ai pas de pensées ignobles.

TA. On rallume. [Plateau rallumé, applaudissements] Alors, ce qu'on peut dire, quand même, vous avez depuis un peu aggravé votre cas... 







[RC: haussement de sourcils: surprise, incompréhension] vous avez fondé --- ah oui [échange de regards entendus avec Élie Semoun] --- le Parti de l'In-nocence. Le nom du parti, je vous concède que ce n'est pas bien méchant mais c'est quand même un parti qui dit que l'immigration depuis 30 ans, euh, n'a pas apporté un accroissement de la civilité et de l'harmonie dans les échanges

RC. ...n'a pas coïncidé avec...

TA. oui oui et la vie quotidienne; vous dites finalement que les populations qui arrivent en France ont des usages [Axelle Red tire ostensiblement la gueule] et des valeurs qui diffèrent --- vous êtes contre le métissage. 





RC. Je suis, en effet, assez réservé sur la question d'un métissage universel, général [Élie Semoun met la tête dans ses mains et signale son désaccord en silence] je trouverais, euh, oui, je n'y suis pas favorable, parce qu'il me semble que c'est la fin de l'altérité. Je suis très favorable, personne n'est moins xénophobe que moi. J'aime les étrangers, j'aime l'étranger, j'aime l'étrangèreté...

TA. Vous aimez les étrangers mais chez eux, vous [Axelle Red marmonne]




RC. ...non, j'aime les étrangers dans mon pays, dans ma culture, j'ai toujours une grande curiosité pour la culture étrangère, mais...

Axelle Red. ...on demande souvent le passeport, pour rentrer...

RC. ...je suis terrorisé par un monde unifié, où il n'y aurait plus de frontières, par exemple, je trouve les frontières délicieuses; rien n'est plus agréable que d'être de l'autre côté d'une frontière, et je serais terrorisé par un monde où on serait partout chez soi.




ES. C'est vraiment pas... parce que moi je savais pas, ça... c'est vraiment pas par hasard, que vous avez dit ça...



Insinuation

RC. [s'arrête de parler. Applaudissements. Sourit. Huées]

TA. Vous êtes contre l'immigration, vous êtes pour le droit d'asile, mais contre l'immigration.

RC. Je suis absolument pour le droit d'asile, tout le droit d'asile, rien que le droit d'asile.

TA. Vous êtes contre l'immigration, vous êtes pour le droit d'asile, et c'est tout: vous trouvez qu'il y a trop d'Arabes en France?

RC. Je pense que tous ceux, les personnes qui sont en France, ont pleinement le droit d'y être; je ne suis pas sûr de l'opportunité pour la paix, pour la tranquillité [Élie Semoun pince le nez] d'en faire venir davantage. Je ne crois pas qu'il faille leur solliciter de venir. On a dit cette chose extraordinaire la semaine dernière: on a obtenu des gens qu'ils demandent le droit d'asile. Vous vous rendez compte? À propos de Sangatte, on est revenus triomphalement, on a dit, il y en a quelques-uns qui ont accepté de demander le droit d'asile. Je suis pour le droit d'asile, certes, mais enfin pas pour contraindre les gens à demander le droit d'asile s'ils ne veulent pas le demander. On n'a pas à solliciter de l'immigration. Je ne suis pas très favorable à l'expansion démographique, on nous dit toujours, parce que, on est menacés de n'être pas assez nombreux, moi je ne crois pas que

TA. [coupe la parole] Vous préférez qu'on reste entre nous, quoi

Simplification 1

ES. Ça me fait toujours peur, parce que vous avez l'air intelligent, vous avez ce genre de pensée très alambiquée pour arriver à quelque chose de très simple et de très euh...

Simplification 2

RC. Je ne suis pas sûr que cette pensée soit si alambiquée que ça...

ES. En tous cas, la façon dont vous parlez, dont vous l'exprimez, vous utilisez un langage plutôt châtié, pour dire des choses qui sont euh [regard de dégoût] pas terribles quoi... en toute honnêteté

Simplification 3

TA. Vous voulez dire que dans les bistrots, les gens le disent moins bien, mais ils disent la même chose.

Simplification 4... où l'on découvre (?) que la pensée de Renaud Camus ne peut être traduite dans le langage simplifié d'Élie Semoun, qu'il y a là, comme une illustration de

«Une pensée libre est une pensée qui connaît sa langue. Le langage n'est pas seulement un instrument de communication. Il est d'abord un instrument de perception. L'œil ne voit pas ce que l'esprit ne sait pas nommer. Le vocabulaire est un des moyens du regard. Il est aussi, et la syntaxe avec lui, un des moyens de la pensée. Moins nous avons de mots, moins nous sommes aptes à concevoir.» (Renaud Camus, discours aux États Généraux de l'Indépendance, 6 janvier 2011 à l'Assemblée Nationale)
La conclusion n'est pas la doxa, alors pourquoi réfléchir? 

ES. Moi j'ai l'impression ouais, mais ça me fait encore plus peur quand je l'entends comme ça. Excusez-moi, c'est ce que je ressens...




RC. Supportez quelques divergences entre nous. Il ne peut plus y avoir de débat; on ne peut plus dire quelque chose qui ne coïncide pas avec la pensée dominante, sans être aussitôt exclu de l'échange et traité de tous les noms

ES. Ce qui vous énerve en c'est que en fait, vous dites des vérités et puis y a une sorte de pensée universelle qui dit qu'on n'a pas le droit de dire que les arabes il faut les sortir de France, qu'il y en a trop, etc [le regard devient plus perçant] c'est ça qui vous ennuie?

RC. [se tournant vers son hôte] Je n'ai jamais rien dit de pareil...

ES. C'est ce que j'ai cru comprendre

RC. ...Canossa témoigne assez largement que je n'ai pas la moindre hostilité à l'égard des Arabes.

J'aime bien, aussi, personnellement, me laver de toute suspicion de racisme en convoquant nombre de partenaires sexuels de toutes races et origines. D'abord parce que c'est valorisant, parce que la plupart des gens ne peuvent pas suivre sur ce terrain, et surtout parce que cela constitue une preuve forte. Ces reportages sur de tristes communautés aryennes du Klan au fin fond des USA, nous montrent des gens névrosés parquant leurs femmes et filles blondes comme le capital génétique du groupe; et sont dignes en cela des pires talibans. Il n'y a pire promiscuité que celle d'un rapport sexuel, pire abomination pour un raciste véritable, et justement, Renaud adore.

TA. Moi je vais vous dire Renaud Camus, vous me faites penser à ce hollandais qui s'appelait Pim Fortuyn qui a été assassiné à l'aube d'une carrière politique assez importante, qui était un homme politique, hollandais, homosexuel, assez moderne dans son comportement, mais qui quand même voulait renvoyer tous les immigrés hors de Hollande.

« ...[M. Fortuyn] prit soin, à cette occasion, de prendre ses distances avec les positions exprimées dans les années 1980 par le Centrumpartij, qui prônait alors le départ des étrangers du pays, tandis que lui-même estimait que dès l'instant où ceux-ci étaient suffisamment intégrés, la question de leur présence ne se posait plus... » (wikipedia)

Comment est-ce qu'on peut être aussi tolérant quant à sa vie privée --- enfin je ne vais raconter tout ce qu'il y a dans votre bouquin parce qu'il est encore tôt --- et puis, comment on peut être aussi dur envers



Menace


les autres --- vous savez ces gens-là, s'ils viennent chez nous, c'est parce qu'ils n'ont rien à bouffer chez eux, moi si j'habitais au Sénégal, et si j'avais rien à bouffer au Sénégal, je viendrais en France.

RC. Je pense qu'on a témoigné un égoïsme, en effet, extraordinaire; je suis très favorable à l'aide aux pays en voie de développement, aux pays développés, je trouve qu'on leur donne beaucoup trop peu, je serais très favorable à une augmentation considérable de l'aide aux pays en voie de développement.

TA. Vous avez beaucoup d'adhérents dans votre parti?

RC. Nous ne sommes pas précisément un parti de masse...

TA. ...ouais... ben oui... vous connaissant...

RC. ...ce parti a un mois.

TA. Merci Renaud Camus d'être venu vous exprimer sur un plateau de télévision, je rappelle le titre de votre livre Retour à Canossa.

[RC quitte le plateau]

On va vous touiller!

Je ne voudrais pas qu'on croie que je colle à Renaud Camus dans ses moindres recoins idéologiques (seulement à 80%)... en tous les cas, si je le fais c'est moins par conviction que par la volonté de surjouer l'inverse, contrebalancer un mouvement devenu fou, comme le pauvre skipper se suspend à l'extérieur de la coque pour empêcher la déroute de son bateau.

Je reste très favorable à la mobilité des jeunes au sein de l'Europe: la réalité décrite par le film L'auberge espagnole n'est pas seulement une apologie de la glande loin des parents au prétexte d'un Erasmus, mais la révélation et la célébration d'un authentique esprit européen. Je vais faire une petite digression relative à ma position personnelle sur le métissage.

Il y a un parallèle piquant entre le métissage et le concept scientifique d'entropie, qui par le second principe ne donne qu'un seul sens possible à son évolution. Alors que la science permet de discuter sereinement de grandeurs quantifiables, faire une expérience de pensée sur un état précédent d'entropie moindre, de diminutions locales au prix d'une augmentation globale --- avec le métissage, point de tout cela: impossibilité de qualifier de façon neutre la situation passée ou opposée, voire de nommer, envisager un mouvement d'inversion.

La situation actuelle relève d'une obsession dogmatique pour le métissage:



une imposture qui par sa seule existence, justifie qu'on cherche à la mettre à mal, tant il semble évident qu'il n'est aucun phénomène social qui ne soit ou tout bon, ou tout mauvais.


Si je me reporte à mon expérience personnelle (né en 1974) je constate en pratique peu de couples mixtes dans mon entourage autrement dit, si dogme il y a --- les gens ne semblent guère pratiquants. J'oserai même faire état d'un certain manque d'originalité quant au mélange social, en tous cas chez les cadres sup c'est comme ça; dans des milieux plus popu, voire la génération de mes parents, là, oui il y a, il y a eu métissage avant l'heure, et personne ne les forçait.

Il est évident qu'un certain degré de métissage a toujours été une donnée de toutes les sociétés, sauf peut-être le Japon (mais que fais-tu Setsuko?); c'est une évidence de constater que les Français du Nord sont physiquement indistinguables des Belges, ceux de Nice, des Italiens, c'est simplement faire état d'une couche de mélange ethnique à la bordure des États.

Le métissage se définit comme le croisement entre individus appartenant à des races différentes. En se limitant sagement à la définition, on peut éviter le délicat sujet du métissage culturel, un sujet différent, et constater qu'il s'agit bien ici d'une recommandation biologique d'hybridation raciale sur des êtres humains, c'est à dire un terrain idéologique absolument miné. Alors quoi, est-ce que le problème c'est de savoir si en mélangeant jaune et noir, on va observer la vigueur hybride, est-ce que ça vit plus longtemps ou ça fait moins de cancer; est-ce qu'il est correct de fixer un seuil où un individu sera, sans pitié, qualifié de fin de race? Est-ce que ça a un sens de modeler homo sapiens à la convenance d'une idéologie, de la même façon que les chiens sont issus de loups modelés à la convenance de l'homme?

Le problème c'est de faire du métissage une injonction institutionnelle. Si des individus se portent, par goût mutuel ou le simple hasard des rencontres, vers une union ethnomixte, grand bien leur fasse. Il faudrait tout de même avoir le courage de relever que, si cette union se trouve aussi être mixte culturellement, ce point s'ajoutera dans les possibles axes de tension qui font qu'un couple peut aussi bien s'enrichir, que se déchirer du fait d'une trop forte disparité sociale, sexuelle, religieuse ou simplement de langage.

Conclusion

Résumé rapide de l'accusation: Monsieur Camus
1. Vous écrivez tout et n'importe quoi
2. Y compris ce qui en d'autres temps relevait de la brigade des moeurs
3. Y compris des choses sans intérêt (MacIntosh) et indécentes (la maman)
4. Et en plus, vous êtes antisémite
5. Et du coup tout le monde vous déteste
6. Mais vous êtes homo alors on va vous démonter là-dessus
7. En plus BHL confirme. Vous êtes coupable, c'est votre statut d'écrivain qui vous met à l'abri
8. Peut-on tout écrire, même les pensées les plus ignobles?
9. Et aussi il y a votre parti anti-immigrés, là: circonstance aggravante
10. Comme l'autre pédé en Hollande (qui a fini assassiné d'ailleurs)
11. Abjurez votre refus du métissage!
12. Comment osez-vous être à la fois 2. et 9.?

Je n'ai pas réussi à placer la vidéo originale dans ce texte sans son titre: «Antisémitisme: Ardisson flingue Renaud Camus» et je ne suis pas certain que ce titre soit bien choisi tant l'antisémitisme y occupe une place secondaire; et si exécution il y a, elle ne me semble pas très glorieuse,

j'aurais pour ma part indiqué «Traquenard prémédité: à trois contre un, ils n'arrivent pas à coincer un ennemi imaginaire».

Ça m'ennuie un peu de finir là-dessus, mais il faudrait, tout de même, replacer les choses dans un contexte plus large. S'il me semble indéniable que ce soir-là, Ardisson&co sont allés plus loin que Renaud Camus dans l'intolérance, le rejet et la bêtise, ils l'ont fait avec telle pleutrerie que tout cela reste bien inoffensif, hors l'atteinte à l'image publique.

La télévision de 2010 ne donne plus guère à voir et entendre que des robinets d'eau tiède, et berce les gentils Français dans une boîte en coton; et quand vaguelette il y a, les intervenants n'utilisent que les termes les plus outrés pour s'invectiver. Elle ne permet plus de conceptualiser, comparer, se fonder un avis sur ce qu'est --- réellement --- un raciste, un fasciste, la guerre, autrement que par des initiatives personnelles de lecture ou un petit week-end au cimetière américain de Normandie.

Il n'en a pas toujours été ainsi cependant: un autre animateur, Christophe Dechavanne, qu'on pourrait croire de la même trempe qu'Ardisson, s'est retrouvé au pilotage du plus gros dérapage télévisuel de notre histoire en février 1990, six mois avant la loi Gayssot. Il ne me semble pas qu'alors, le but était de traquer, juger, ou forcer les invités à réciter la messe. C'était simplement du journalisme, et il faut bien constater que la bête immonde ce soir-là, est sortie toute seule, sans qu'on la titille.